Film japonais en compétition officielle du festival d’animation d’Annecy, The Tunnel to Summer, the Exit of Goodbyes offre une réflexion sur les désirs, le talent et le deuil dans un animé coloré, jouant avec l’espace-temps.
Que donnerait une adaptation d’un light novel, au croisement entre Inception et Your Name ? C’est le parti pris du réalisateur japonais Tomohisa Taguchi (“Bleach: Thousand-Year Blood War” en cours de diffusion sur Disney+). Avec The Tunnel to Summer, the Exit of Goodbyes, il adapte le roman éponyme, destiné à un public de jeunes adultes et sorti en 2019 par l’éditeur Shogakukan.
Le tunnel d’Urashima
L’histoire se déroule dans un petit village de campagne prénommé Kozuki, courant 2005. On y suit Kaoru Tono, lycéen réservé, vivant seul chez son père alcoolique, suite au décès de sa petite sœur. Une après-midi, en revenant des cours, il tombe (littéralement) devant un mystérieux tunnel, planqué derrière une voie de train. Selon la légende urbaine, le tunnel d'Urashima offre à celui qui ose s'y aventurer ce qu'il désire de plus cher... mais à un prix : le temps s'écoule à un autre rythme rendant l'expérience dangereuse. Quelques secondes en son sein se transforment en plusieurs heures dans la vraie vie. Alors qu’il y retourne, le jeune homme est suivi par une nouvelle élève, Anzu Kouzaki.
Pour explorer le tunnel, les deux lycéens aux histoires et aux personnalités très différentes font équipe, prêts à tout pour faire réaliser leur vœu à l’intérieur.
Une animation 3D à la pointe du progrès
Oui, le film à la virtuosité visuelle de Your Name (Makoto Shinkai, 2016), mais n’en a pas sa complexité émotionnelle. L’animation est fluide et ultraréaliste, peignant une campagne colorée et vivante. Tout comme celle de l’aquarium, les séquences dans le tunnel d'Urashima sont particulièrement réussies, quasi bluffantes grâce à la quantité de détails des images de synthèses (pensée à ces feuilles d’érable flottant au gré des remous alors que les personnages marchent dans l’eau). Nul doute que le spectateur souhaite rester encore un peu dans le tunnel. L'intrigue fait de son mieux pour être émotionnellement engageante, mais l'apogée n'est pas aussi déchirante qu'elle le voudrait. La faute à un léger manque de rythme au montage peut-être. Toutefois, les codes d’Urashima et de cette parenthèse temporelle sont clairs, sans pour autant basculer dans le didactique. On regrette les quelques longueurs dans la seconde moitié du film et cette petite incohérence dans la logique du récit durant le dénouement, par ailleurs soigneusement amené.
“- I don’t have parents. - Good for you. ”
La spontanéité de Kaoru et Anzu fait sourire. 1h23 laisse suffisamment d’espaces à leur histoire, crédible et complexe. Les éléments sont emmenés au compte-goutte, dévoilant une intrigue poussant à la curiosité, mais sans grand rebondissement.
Le réalisateur traite, comme de nombreux animés japonais, de la gestion du deuil, mais il aborde aussi la culture du talent liée à la pression sociale des lycéens. Un thème qui aurait bénéficié à être traité de façon moins didactique. Toutefois, les deux étudiants dessinés par l’animatrice montante Satomi Yabuki qui a allié simplicité et sens du détail (notamment sur les cheveux et la profondeur du regard) sont attachants. Ils sont mis en avant par le choix de longues focales (si l’on peut parler de focale au même titre que les films en live action), permettant un “flou” intime et visuellement très agréable.
La surexposition sur une multitude de plans efface le paysage, au profit des émotions dégagées par les personnages. Le résultat est agréable, sans pour autant rester dans la tête du spectateur. Une belle découverte qui confirme une fois de plus l’indéniable talent des Japonais dans la production de long métrage animé oscillant entre réalité et monde alternatif d’une beauté difficilement égalée.
Texte par Mia Pérou