Le réalisateur de “Have A Nice Day” revient avec une esthétique similaire mais un sujet opposé dans “Art College 1994”, long film-fleuve suivant le cheminement et les doutes d’un groupe d’étudiants. Présentées au festival d’animation à Annecy, les deux heures ont fait naître plus de déceptions que d’admiration.
1994. Alors que la Chine poursuit son développement calqué sur le modèle occidental, un groupe d'étudiants au collège des Beaux-Arts de Chine se questionne sur son avenir. Au sein de cette université quasi décrépie, ces adultes en devenir se confrontent à leurs grands idéaux et ambitions personnelles, perdus entre tradition et modernité.
Si on n’a pas le courage de tenter de nouvelles choses, que va-t-on faire de notre vie ?
Des personnages crédibles et attachants
Après la diffusion remarquée de “Have a Nice Day” (polar sélectionné à la Berlinale 2016), l’animateur chinois Jian Liu dépeint les doutes de ces artistes en herbe, lui-même passé par ce cursus au début des années 90. Au cœur du film, 4 étudiants : Xiaojun, qui étudie la technique de peinture traditionnelle Chinoise, son colocataire Rabbit (Chizi), un camarade de classe doux, mais moins ambitieux intellectuellement, Hao Lili, pianiste timide, mais surdouée et sa coloc’ Gao Hong, une chanteuse classique beaucoup plus confiante et ambitieuse.
À l’intérieur de leurs dortoirs vétustes (bassine et lavabo font office de douche), ils partagent leurs désirs et inquiétudes du futur. D’un côté, les jeunes hommes rêvent d’Amérique devant une vieille affiche de Michael Jackson ou encore de signer un chef-d’œuvre intemporel, issu de nouvelles techniques. Pour les deux talentueuses jeunes femmes, la pression sociale du mariage vient se heurter à leurs rêves de monter un jour sur scène pour vivre de la musique. “Marier quelqu’un… Comme si je n’étais pas déjà quelqu’un !” s’exclame Gao Hong, veste en cuir rouge sur les épaules.
Un manque de créativité dans la mise en scène
Négligence, idéalisme, volonté de s’affranchir des règles, le jeune groupe se veut être l’échantillon d’une réalité sociale pour le réalisateur. Les dialogues sont réflexifs, souvent ponctués de références artistiques empiriques tels que Picasso, Matisse, Bacon, Nietzsche ou Sartre. Malgré une animation que l’on regrette simple au possible et un montage manquant cruellement de dynamisme, le rêve candide des étudiants - faire un travail significatif dans un monde où tout semble déjà avoir été fait - semble universel.
Une réflexion sur l’art
Avec ce portrait d’étudiants désenchantés, le cinéaste et peintre revient sur le questionnement perpétuel de l’objet d’art : tout peut-il être ou devenir art ? Apprend-on à devenir un artiste sur les bancs de l’université ? Faut-il s’affranchir des traditions ? Des interrogations posées au détour d’une ou deux bières, la cigarette au bout des doigts. “Si l’on n’a pas le courage de tenter de nouvelles choses, que va-t-on faire de notre vie ?” lance Xiaojun à son coloc, alors qu’ils finissent la soirée assis sur le trottoir. Si le générique de fin dévoile certains éléments de réponses, une phrase du jeune Rabbit est à retenir de ces deux longues heures : “l’imagination est bien plus importante que les cours suivis”. Une maxime que Jian Liu n’a pas vraiment su appliquer à son œuvre…