C’est un bâtiment qui est désormais devenu emblématique de la ville de Genève, et pourtant tout n’était pas gagné d’avance pour l’extension du Musée d’Ethnographie de Genève (MEG). Et pourtant, près de 8 ans après son ouverture, l’institution est devenue un véritable point de repère architectural au cœur de la Cité de Calvin.
L’épopée d’un projet
Aujourd’hui l’un des musées les plus visités de Suisse, le MEG a traversé de nombreuses aventures avant de pouvoir faire peau neuve en inaugurant son nouveau bâtiment en octobre 2014. Depuis longtemps devenu trop étroit pour accueillir les ambitions des directeurs s’étant succédés à sa tête, le musée prévoyait un remaniement de son bâtiment. Fondé en 1901 par l’anthropologue Eugène Pittard, le musée déménageait 40 ans plus tard dans le quartier de Plainpalais-Jonction dans une ancienne école, mais déjà son directeur le savait trop petit. Plusieurs projets sont lancés dans les années 1980, certains bien avancés mais n’aboutissant pas, le dernier concours d’architecture lancé en 1995 tué dans l’oeuf après un rejet de la population lors d’un référendum. Il aura alors fallut 73 années pour que le rêve d’agrandissement d’Eugène Pittard se réalise sous la direction de l’ancien directeur de l’institution, Boris Wastiau. En 2009 il lance alors un grand plan directeur, et l’équipe du musée s’associe au directeur du Musée d’Ethnographie de Neuchâtel Jacques Hainard pour mettre toutes les chances de son côté. Mais encore une fois, rien n’est simple. Si le concours d’architecture est lancé en 2009 et remporté par Graber Pulver Architekten AG, en collaboration avec le bureau ACAU, associé au bureau d’ingénieurs civils Weber + Brönnimann AG, le projet manque une nouvelle fois d’être annulé par un nouveau référendum. Un obstacle de plus pour l’institution qui communique au maximum sur le projet pour le faire accepter par la population : résultat, le référendum ne passe pas, et le 26 juin 2010 le projet commence enfin.
Une identité architecturale unique
Au cœur de la volonté des équipes du musée vivait un désir commun : celui de faire de l’extension du MEG un point de repère dans le ville, mais aussi un lieu de rencontre, qui se démarquerait dans son quartier, nous confiait son ancien directeur Boris Wastiau dans un entretien tenu l’an dernier. Un défi oui, car situé en plein coeur du Quartier des Bains le nouveau bâtiment se devait de tenir dans un espace restreint, et ce dans un contexte urbain sensible. Depuis le Musée d’Histoire Naturelle de Genève, aucun bâtiment institutionnel d’une telle importance n’avait été bâti au centre de la cité. Pour l’équipe du MEG il était alors indispensable de rendre cet édifice identifiable au premier regard tout en s’intégrant à son environnement.
Et cette volonté a été parfaitement respectée par les différents acteurs qui ont remporté le concours menant à ce projet. Pour l’architecte en chef du projet Douwe Wieers, le musée a été conçu comme une pagode traditionnelle du Vietnam, mais difficile de ne pas l’assimiler à une cathédrale des temps modernes avec sa hauteur et son volume en prisme triangulaire aux multiples losanges. Si le musée se distingue parfaitement des autres bâtiments qui l’entourent, il ne choque pas dans le paysage urbain, mais intrigue, et invite chacun à passer ses portes. Devant le musée une esplanade aménagée en jardin ouvert au public a permis la création d’un lieu de rencontre accessible à tous et d’un écrin de verdure au cœur du Quartier des Bains.
Temple de l’anthropologie
En pénétrant dans le musée, la sensation d’entrer dans une cathédrale se fait encore plus vive. Son volume sculptural subjugue, et nous pousse à lever le nez vers le plafond pour nous faire aspirer par cet espace qui s’offre au visiteur. Partout nous retrouvons le caractère géométrique déjà présent à l’extérieur du bâtiment, et d’importants volumes qui confèrent un aspect solennel à l’édifice. Se déployant sur cinq niveaux, le musée est en grande partie construit en sous-sol, participant ainsi à une inclusion facilité du bâtiment dans l’espace extérieur. Au second sous-sol ce ne sont pas moins de 2’020 mètres carré d’espace d’exposition qui sont disponibles avec des parois amovibles permettant un changement de scénographie aisé pour les différentes expositions.
Véritable labyrinthe contemporain, l’intérieur du musée invite à la déambulation et à la contemplation dans son espace au paroxysme de l’idéal muséal. Tel un cabinet de curiosités, nous découvrons les pièces de la collection permanente et des expositions temporaires dans une scénographie où l’architecture contemporaine se met au service d’objets datant de plusieurs centaines d’années.
Aurore De Granier