Révélé dans le Jamel Comedy Club, Haroun appartient à cette nouvelle génération d’humoristes qui a grandi avec l’essor du stand-up en France. Depuis septembre, il tient « l’open bar d’Haroun » dans les Terriens du dimanche, le nouveau format de Thierry Ardisson sur C8.
Comment décrierez-vous votre univers humoristique ?
Sarcastico-bienveillant. L’idée est de se moquer des travers de notre société sans accabler qui que ce soit. La seule précaution que je prends est d’être drôle. Si quelqu’un ne rit pas, c’est que je n’ai pas été compris, que je n’ai pas réussi à faire passer mon idée qui était de ridiculiser la dureté du sujet.
Qu’est-ce qui vous attire dans les sujets « délicats » ?
J’ai envie de parler de ce qui me touche et me choque. En rire permet de s’en affranchir, de se sentir plus puissant. Le fait d’être vexé par ces sujets me bouleverse.
Vous êtes-vous déjà dit « je suis allé trop loin » ?
Ça m’est arrivé mais en général, je suis très vite rassuré par le public. J’ai parfois hésité à dire quelque chose mais la réaction des spectateurs m’a encouragé à le garder. Le public a un seuil de tolérance très haut.
Vous avez fait un tour du monde en 10 mois. Qu’en avez-vous retiré ?
Que nos préoccupations sont assez universelles et plutôt simples. On a l’impression qu’il existe beaucoup de différences entre les cultures mais les problématiques se rejoignent : est-ce que je vais subvenir à mes besoins, aux besoins de ma famille, est-ce que j’ai l’amour, est-ce que mes enfants vont bien ? On est capable de se compliquer la vie mais les préoccupations restent identiques. L’humour est assez universel, il porte souvent sur les mêmes sujets.
Vous dites « la coupe du monde de football au Qatar se fera dans des stades climatisés et nous, on culpabilise quand on ne met pas une bouteille dans la poubelle jaune ». Nos contradictions vous inspirent ?
C’est ma vision très sarcastique du sujet. Certains se disent « on ne peut pas sauver le monde alors à quoi bon faire du tri sélectif ? » Ce qui m’inspire c’est qu’on essaie de se rassurer, de paraître des gens bien alors que nous ne sommes ni bons ni mauvais. Ce qui me faire rire c’est notre capacité à ne pas reconnaitre qu’on est capable du pire. Les véritables problèmes dans le monde sont dus à nos paradoxes. Comme les guerres que l’on qualifie d’idéologie ou de religion alors que c’est bien souvent l’économie qui met le feu aux poudres. Le reconnaitre peut permettre de mieux vivre avec et de se bouger un peu plus.
Qu’est-ce qui vous fait rire en général ?
L’hypocrisie. On la rencontre partout et tout le temps. La puissance du stand-up vient du fait que pendant une heure, on arrête l’hypocrisie pour se dire des choses vraies. Les bons stand-uppers ou humoristes sont ceux qui arrivent à transmettre une espèce de message de vérité sur scène qui fait du bien le temps du spectacle. C’est une parenthèse où l’artiste tombe cette sorte de masque qu’on porte tous en société.
Et qu’est-ce qui vous agace
profondément ?
L’hypocrisie aussi ! Ce que je traite dans le spectacle sont des choses qui m’agacent.
Vous avez un sketch sur « ces Français ingouvernables ». Vous en êtes ?
Oui, c’est culturel. Un de mes anciens prof d’anglais m’avait dit : « Quand on demande à un Américain s’il veut être millionnaire, il répond oui, bien sûr. Un Français va dire : je sais pas, ça dépend… ». Il existe une méfiance, une autocritique perpétuelle qui me fait rire et m’attendrit un peu.
Vous êtes milliardaire demain. Que vous offrez-vous ?
Je m’achète des théâtres pour les rendre plus accessibles dans les zones qui en sont dépourvues et j’y proposerai toutes sortes d’expressions. Le public a un sens critique qui lui permet de recevoir une offre culturelle plus étoffée. J’achèterai aussi des bibliothèques ouvertes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, comme les églises.
Que feriez-vous s’il vous restait 3 heures à vivre ?
J’écrirais les émotions que l’on ressent à ce moment-là pour laisser une trace à ceux qui viennent après.
Propos recueillis par Nathalie Truche