Après 16 ans de carrière et 6 albums, l’icône de la pop brésilienne Céu s'est produite dans les plus prestigieux festivals internationaux. De passage en suisse pour sa tournée européenne Fênix do Amor, nous l’avons rencontrée. Place des femmes dans l’industrie, barrière de la langue, émergence du streaming, succès… La chanteuse de São Paulo se livre.
Comment décrirais-tu ta musique ?
(hésite) Je pense qu'elle est ancrée et tire ses racines de la musique brésilienne. Elle reste connectée à des éléments contemporains et des choses que j'aime, comme le jazz, la soul et le hip-hop. C'est une musique urbaine. En tant que femme issue de São Paulo, j'ai grandi en écoutant beaucoup de styles. J'ai grandi en faisant des choses dans la rue, en jouant dans des bars et des restaurants. Donc, je pense que j'ai beaucoup de références urbaines, mais ma base, mes racines sont la musique folklorique brésilienne. J'aime apporter des beats, des choses plus modernes pour en faire un mélange.
Tu viens d'une famille de musiciens. Est-ce que ça a été un poids à porter ?
Oui, complètement. Quand j'étais enfant, avant mes 13 ans, je ne voulais pas toucher à la musique. Mes parents étaient déjà à fond dedans, mon père était pro, ma mère avait cette passion pour la musique. C'était le langage officiel de notre famille. Vers mes 14 ans, un truc s'est déclenché en moi, je sais pas, comme une évidence. La musique est devenue ma raison d'être… Et me voilà ! (rire)
Ton premier projet est sorti en 2008. Comment t'es-tu adaptée pour faire évoluer ta musique au fil des années ?
Eh bien, ce fut un sacré défi de comprendre tout le système et ses changements : l’arrivée du streaming, l’industrie de la musique… ça a été très difficile. Mais à la fin, ce qui compte, c’est d’aimer profondément ce que vous faites. Et j’aime plus que tout la musique et mon équipe.
La frontière est mince entre rester soi-même et devoir répondre aux attentes du marché, des gens.
Et quel a été le plus gros obstacle pour toi récemment ?
C'est une question difficile. Le plus dur a été de traverser toutes ces années tout en continuant à faire sa musique avec honnêteté. La frontière est mince entre les attentes du marché, des gens, et vouloir rester soi-même. Je pense que c'est une chose très difficile à faire. Et puis, en tant que femme, compositrice et originaire d'Amérique latine, j'ai dû faire face à quelques défis supplémentaires. Chanter en portugais, ça n'a pas toujours été simple pour se faire une place dans l'industrie.
En tant que femme artiste et auteure-compositrice, comment trouves-tu ta place ? Penses-tu que l'industrie musicale latino est plus ouverte de nos jours ?
Je pense que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, mais ça me réjouit de voir d'autres artistes, surtout de jeunes femmes, écrire leurs propres chansons, sans tabou. Les choses évoluent dans le bon sens, ça fait plaisir.
Selon toi, sur quoi l'industrie musicale doit-elle travailler en priorité ?
À mon avis, la musique brésilienne à sa place sur la carte musicale mondiale. Je crois beaucoup en la culture brésilienne. Mais bon, on doit encore faire face à certaines règles de la musique populaire et mainstream comme les chansons anglophones. Pour moi, la musique, c'est la liberté totale. Tout le monde devrait pouvoir s'exprimer à travers elle, parce que c'est universel.
Hors du Brésil, tu dois susciter l'attention des gens. Ils ne te connaissent pas forcément. C'est comme recommencer à zéro à chaque fois.
Ta tournée européenne “Fênix do Amor” commence. Quel est ton rapport avec le public européen et comment gères-tu ton succès ?
C'est super intéressant parce que le succès a différentes facettes. D'un côté, tu sens que ton travail est reconnu, que tes chansons touchent les gens, qu’elles font partie de leur vie, leur appartiennent. Mais d'un autre côté, hors du Brésil, tu dois susciter l'attention des gens. Ils ne te connaissent pas forcément. C'est comme recommencer à zéro à chaque fois. J'ai beau être célèbre au pays, ici, c'est un tout autre défi et j'adore ça.
C'est la première date de la tournée. Comment te sens-tu en ce moment ?
Je me sens reconnaissante, tellement reconnaissante. C'est génial d'être de retour en Europe et de jouer ici, en Suisse. C'est un vrai privilège. Je vais donner le meilleur de moi-même sur scène avec mes amis, mon équipe, pour m'amuser et partager l'histoire de cet album avec le public. Ça va être fou.
Propos recueillis par Mia Pérou