À 39 ans, l’américaine Danielle Ponder quittait son métier d’avocate pour se lancer à plein temps dans la musique. Un an plus tard, en septembre 2022, elle sort son premier album studio : “Some of Us Are Brave”. C’est bien loin de son Rochester natal, au festival Musilac, que nous rencontrons cette grande dame et artiste engagée, oscillant entre RnB, soul et trip hop.
Pourrais-tu nous parler un peu de ton processus créatif ? De l’écriture de chansons à la scène, quel est ton état d’esprit ?
Oh, généralement, je commence toujours par l’instru. Je travaille souvent sur mon ordinateur, avec une guitare ou un clavier numérique. Après, j'ai souvent d'autres producteurs qui travaillent avec moi et m'aident à obtenir le son que je souhaite, car c'est le plus important pour moi. Ensuite, j'écris les paroles. Là, il s'agit simplement de savoir comment je peux transposer ce que nous avons créé en studio sur scène tout en gardant la même ambiance et la même énergie.
Il t’arrive de voyager avec ton clavier, par exemple ?
Eh bien, j'ai un clavier sur mon ordinateur portable (rire). Crois-le ou non, c’est ce que j’utilise en déplacement quand j’ai une idée de chanson. Je l’utilise depuis quelques années, c’est un peu devenu une habitude. Évidemment, quand je suis chez moi, j'ai un vrai clavier, mais le faire sur mon ordi suffit pour exprimer mes idées.
J'aime expérimenter. Sur cet album, il était vraiment important pour moi de repousser les limites des prods de RnB.
En tant qu'artiste RnB, comment peux-tu repenser, réinventer le genre musical ?
Mmmh, je pense que mon approche vocale aura toujours une touche soul et RnB, mais je pense que la musique sur laquelle je chante est plus… expansive. Il y a des éléments de trip hop, des touches de rock, de musique psychédélique. J'aime expérimenter. Sur cet album, il était vraiment important pour moi de repousser les limites des prods de RnB. Je voulais simplement utiliser d'autres instruments et sortir des prods au clavier. Et je suis vraiment contente de ce que nous avons réussi à créer.
Quelles ont été tes principales sources d'inspirations et artistes références ?
J'adore Portishead, j'aime leurs instru. J’adore Pink Floyd et Nina Simone. Elle a une grande influence sur ma musique. Et, je pense que ma musique est, un peu, la fusion de toutes ces influences.
À quel point cela a été difficile pour toi de quitter ton poste d’avocate et d'entrer dans cette grande industrie de la musique, où la concurrence et la pression sont rudes ?
Je pense que (hésite)... Je n'ai pas trop pensé à la concurrence en entrant dans cette industrie. J'ai plutôt pensé à quel point la musique peut-être instable. Parfois, tu as du succès, parfois tu n’en a pas (rire). À l’inverse d’un emploi, tu ne sais jamais si tu vas recevoir un salaire à la fin du mois. D’autant qu’aux États-Unis, il faut prendre en compte l’assurance maladie, que tu peux obtenir principalement si tu travailles. Mais en fin de compte, si c'est quelque chose que tu aimes, le risque vaut la peine d'être pris. Je me suis demandé si je regretterais de ne pas avoir essayé, lorsque je serai au chevet de la mort. Parfois, on a simplement peur d'essayer. Mais essayer, c'est presque sans risque : si ça ne fonctionne pas, tu reviens simplement à ce que tu faisais avant.
Quel a été le déclic, le moment où tu t'es dit : “OK, j’y vais” ?
Eh bien, pour faire court, je suis partie deux fois. La première fois, ça ne s'est pas très bien passé, mais la deuxième fois, j'avais signé avec un label. À 39 ans, j’avais un contrat d’enregistrement, c'était le moment. De plus, du monde était là pour me soutenir : une boite de management me suivait, une agence de promotion, un tourneur… Et là, je me suis dit : “OK. Ça y est.”
J'ai tous les outils nécessaires pour me recentrer, me focus sur moi, quand j'ai des difficultés. Et ça, c’est l’expérience de l’âge !
Ça te fait quoi de jouer ce soir, sur une grande scène, en France ?
C'est magique. Oh mon Dieu. Ce fut la plus belle des tournées. Nous avons vu certaines des plus belles régions d'Europe. Je suis tellement chanceuse… C'est mon travail quoi ! (rire) Quand on y pense, je suis passée d'un des métiers les plus stressants en Amérique à un travail où je peux voyager, rencontrer des gens et monter sur scène pour raconter mon histoire. Je ne peux que remercier Dieu, l'univers, peu importe, de m'avoir offert cette vie.
Quelle est ta relation avec le public, suite au succès que tu connais actuellement ? Comment fais-tu face à tout cela ?
Hum… je chante depuis 20 ans, et pour être honnête, dans ma petite ville natale, nous étions très connus. J'ai déjà fait 80 interviews pour des petits médias, et fait des petites émissions de télévision. Aujourd’hui, c'est beaucoup plus grand, mais je pense que je le gère plutôt bien. J'ai aussi 41 ans, donc j’ai plus d’expérience, je suis plus terre à terre et réaliste. La seule chose qui est difficile, c'est le décalage horaire (rire). Passer de New York à la Suisse, ou autre… Parfois ça devient très épuisant. Mais à part ça, j'ai tous les outils nécessaires pour me recentrer, me focus sur moi, quand j'ai des difficultés. Et ça, c’est l’expérience de l’âge (rire).
As-tu une sorte de rituel avant de monter sur scène ?
Non… non. Tu sais quoi, je n'en ai pas. Mais il m’en faut un ! Je ne prends pas vraiment d'habitudes, sauf pour manger du sucre (rire), je suis très douée pour ça… Plus sérieusement, j'aimerais passer plus de temps avant de monter sur scène, mais j’y vais littéralement sans rien faire de spécial.
Tu ne fais pas de petit check, câlin de motivation ou quelque chose comme ça avec ton équipe ?
Pas vraiment, pas vraiment. En théorie, j'aimerais faire du yoga, méditer, faire des exercices vocaux. C'est la personne que je suis dans ma tête. Mais en réalité, je ne fais pas grand-chose avant de monter sur scène. (rire)