Une voix mutine, des textes ciselés… Phanee de Pool a définitivement quitté son uniforme de policière pour retrouver ses premières amours : l’écriture et la composition. En un seul album, Hologramme, la chanteuse suisse a imposé son univers décalé.
Comment avez-vous atterri à la Nouvelle Star en 2009 ?
J’y suis allée plus avec ma personnalité qu’avec ma voix ! C’était un peu : j’ai vu de la lumière alors je suis entrée. Ma mère devait se rendre à Lyon pour son travail et j’ai proposé de la conduire. Pendant son rendez-vous, je me suis baladée en ville et suis tombée sur le casting de l’émission. Comme j’ai toujours une guitare dans la voiture, je me suis présentée sans même savoir ce que j’interprèterai et ça a fonctionné. J’ai continué puis j’ai été éliminée juste avant les primes.
Entre 2011 et 2016, silence radio…
Je suis entrée dans la police ! En 2011, je faisais déjà mes compositions et tournais avec quatre musiciens professionnels. Les concerts ne marchaient pas super bien, j’avais besoin d’argent pour vivre. Je ne voulais pas d’un métier où il fallait passer sa journée derrière un ordinateur. Pour moi, la police représentait un bon compromis : pas de routine, pas de chômage et la formation était payée. Après avoir été reçue à l’examen d’entrée, j’ai été policière pendant six ans.
Qu’avez-vous appris de cette expérience ?
J’ai vu le pire de la vie ce qui me permet aujourd’hui d’apprécier le meilleur. On y découvre ce que les gens peuvent cacher, on se retrouve face à une réalité aberrante. Certaines périodes ont été très choquantes. J’ai été confrontée à beaucoup de décès alors que c’était ma hantise. J’ai vu à peu près toutes les morts qu’on peut imaginer. Ces événements marquants font apprécier la chance qu’on a quand tout va bien.
Pourquoi avoir intitulé votre album Hologramme ?
Ça remonte justement à mes années police. J’avais plus la fibre sociale que répressive. Mes collègues peuvent témoigner que j’ai dressé peu de contraventions, que je n’étais pas très rentable… On faisait surtout appel à moi pour désamorcer des situations de crise car j’avais un très bon contact avec les gens. Dans ce cadre-là, j’ai rencontré une personne atteinte de schizophrénie qui a accepté de se confier à moi. Elle expliquait ressentir une présence autour d’elle qu’il lui était impossible de toucher, comme un hologramme. J’ai trouvé l’image intéressante. De ces échanges sont nés la chanson Hologramme et le titre de l’album.
En quoi le morceau Luis Mariano a propulsé votre carrière ?
Le 11 septembre 2016, je regardais une des multiples émissions commémoratives sur l’attentat des tours jumelles à New York. D’un coup, je me suis dit : dans notre quotidien, on supporte déjà le malheur des autres, pourquoi s’infliger des horreurs supplémentaires pendant son jour de congé ? J’ai coupé la télé et j’ai écrit le texte Luis Mariano en deux heures. J’ai composé l’instrumental avec un logiciel gratuit, enregistré la voix avec un vieux micro de mes parents. Le soir, j’ai posté la chanson sur le site suisse Mx3 en pensant : si demain j’en ai trop honte, je la supprimerais. Au matin, il y avait plus de mille écoutes et plein de messages, dont certains de journalistes qui voulaient en savoir plus sur moi. Il y a eu un réel engouement mais je n’imaginais pas qu’il prendrait de telles proportions.
J’ai vu le pire de la vie ce qui me permet aujourd’hui d’apprécier le meilleur
Vous dites faire du slap, mélange de slam et de rap…
Dans le slam, je prends la poésie, l’aspect théâtral, la gestuel, le mouvement, car pour moi, le slam est une forme d’expression très imagée. Au rap, j’emprunte le beat, le rythme avec les basses, le flow. Dans mes chansons, beaucoup de mots sont rythmés et pour mes textes, j’essaie d’avoir un suivi dans les rimes. En résumé, le slam tient le fil rouge de l’histoire et le rap apporte le débit.
À quoi ressemblent vos journées de musicienne, auteure, compositrice et interprète ?
Sans routine. Aujourd’hui, je marche au feeling. Je peux rester trois jours enfermée dans le studio pour écrire, composer, faire dix « instrus » et n’en garder qu’un. Il y a de nombreux coups dans le vide. Je passe facilement entre quatre et huit heures à travailler, à jouer de la guitare, du piano mais sans nécessairement créer.
Vos projets à venir ?
J’avais deux rêves : me produire à l’Olympia et jouer avec un orchestre symphonique. Un des deux est en train de se concrétiser car en ce moment, nous réarrangerons mon spectacle avec quarante musiciens tout en gardant les bases électro. L’heure est donc aux répétitions, aux créations de lumières, de costumes, parce qu’on a vraiment envie de présenter un beau spectacle et pas seulement un concert. Nous commencerons à tourner en automne.
Vous imaginiez percer un jour ?
Pas du tout ! Quand j’ai arrêté de chanter avec mon groupe pour m’engager dans la police, je pensais que tout était définitivement fini. Mais comme on dit : chassez le naturel, il revient au galop. C’était peut-être ma destinée. J’ai conscience qu’une quantité d’artistes essaient de se faire un nom. J’ai une chance inespérée que je savoure pleinement.
Propos recueillis par Nathalie Truche