Du 15 oct. au 25 nov. 2024
Tentez de gagner : deux places de specta...
Gisèle Halimi (1927-2020), difficile de s’attaquer à un pareil monument de l’histoire du féminisme sans risquer d’écorcher la légende ou de l’embellir ! Pourtant, ces derniers mois, deux albums de bande dessinée se sont penchés sur ce destin fabuleux. Deux titres miroir et pour lesquels il était impossible de choisir !
Des BD à ne pas rater
L’un est dédié à son enfance tunisienne et s’achève lors de son départ pour Paris en 1945 alors qu’elle a 18 ans. L’autre, tiré de son roman Une farouche liberté co-écrit avec Annick Cojean, retrace son parcours professionnel et militant.
« Ni à table, ni dans la chambre, ni jamais ! », s’est écriée la petite Gisèle du haut de sa dizaine d’années. Plus jamais elle ne servirait ses frères ni ne serait la boniche de la maison. C’est ainsi, qu’enfant, elle entama une grève de la faim de trois jours pour refuser les tâches ménagères qui lui étaient imposées. Elle se réfugia dans sa chambre, cachée derrière son monticule de livres, jusqu’à ce que ses parents cèdent.
Crédit photo : © Danièle Masse et Sylvain Dorange
Depuis toujours, Gisèle l’a clamé haut et fort : on ne la marierait pas de force, elle étudierait et lirait autant que possible et serait avocate à la place de son frère, le chouchou pourtant bon à rien. Dans la Tunisie des années 30, la petite fille passe pour une enfant difficile. Très tôt, sa ténacité, ses convictions, sa culture dérangent.
Déterminée, la fille maudite dont la naissance honteuse est restée secrète pendant plusieurs semaines, aura pourtant le fabuleux destin qu’on lui connaît. Insubordonnée, désobéissante, persévérante et convaincue qu’elle était née pour lutter, Gisèle a le combat et la justice pour mission.
Les illustrations pastel de cet album consacré à l’enfance ensoleillée, sont douces comme les pâtisseries tunisiennes et l’on se croit tout droit sorti d’un film d’animation.
J’ai trouvé cette BD terriblement attachante.
Notamment car rien ne prédestinait cette gamine juive tunisienne, pauvre, dans un pays sous protectorat français peu habitué aux caprices des jeunes filles rebelles, à devenir la Gisèle habitée que l’on découvre dans le second album dédié à l’âge adulte.
Crédit photo : © DR
Dans Une farouche liberté, une petite trentaine de pages légèrement redondantes mais concordantes rappellent l’enfance dans la banlieue de Tunis avant de se consacrer entièrement aux études exemplaires, au parcours professionnel et à l’engagement de Gisèle Halimi. Cette BD reprend les entretiens consacrés à Annick Cojean, journaliste grand reporter au Monde. Peut-être est-ce pour cette raison que l’on a l’impression d’entendre Gisèle nous murmurer ses mots à l’oreille.
La justesse des dialogues, la pertinence des propos sont l’un des grands atouts de cette BD. Celle qui aura lutté pour les femmes jusqu’à son dernier souffle à 93 ans est bel et bien avec nous comme une présence amicale tout du long du récit. Très vivant, cet album est totalement en adéquation avec le tempérament tempétueux de l’avocate. Loin d’être un ramassis d’anecdotes cumulées, on est réellement immergé dans les faits et gestes des personnages, contaminé par leur énergie et leur révolte.
J’ai passé un excellent moment de lecture en compagnie des plus grands qui gravitaient autour d’elle : Beauvoir, Sartre, Sagan, Veil, ne sont que quelques-unes des personnalités marquantes croisées dans ce récit qui donne envie de s’engager corps et âme.
Gaëlle Poirier
