Publié le 29 avril 2021
SHEPARD FAIREY AKA OBEY
Crédit photo : © Shepard Fairey (Obey Giant)

SHEPARD FAIREY AKA OBEY

rencontre avec le géant du Street Art
Art
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Street Art, Interview
Crédit photo : Obama Hope, 2008 © Shepard Fairey (Obey Giant)

Issu de l’underground et du milieu du skateboard, Shepard Fairey alias Obey est devenu une star internationale et l’un des Street artistes les plus influents au monde. On connaît tous ses fresques inspirées de l’expressionnisme allemand, de l’iconographie communiste, mais aussi de la pop culture, Franck Shepard Fairey, de son vrai nom - rayonne dans le milieu du Street Art depuis les années 90.

L’artiste vit aujourd’hui à Los Angeles. Il émerge d’abord en détournant la photographie d’André The Giant, ancien catcheur devenu acteur et lance « Obey Giant », qui deviendra son image de marque. Plus tard, il se fait connaître pendant la campagne de Barack Obama en 2008, en réalisant l’affiche de son portrait « Hope ». Artiste engagé et humaniste, il a toujours développé un intérêt pour la protection de l’environnement et la justice sociale.

Créateur de différentes sociétés de graphisme depuis 1992, il met son talent au profit de grandes entreprises pour réaliser des opérations de marketing virales ou des illustrations de produits. Il se spécialise ainsi dans la « guérilla marketing » avec des clients comme Pepsi, Hasbro ou Netscape. Il a réalisé des jackets de jeux vidéo célèbres, des pochettes d’albums pour Black Eyed Peas, Smashing Pumpkins ou Led Zeppelin, et quelques affiches de films.

« Obey » qui, en français signifie obéir, est un moyen pour l’artiste de faire réfléchir les gens à ce qu’ils acceptent ou pas comme forme de domination. On retrouve ses œuvres dans au Country Museum of Art de Los Angeles, du Musée d’Art Moderne de New York, ou au Victoria and Albert Museum à Londres. 

 

Nous avons eu la chance de réaliser une interview de l’une des plus importantes figures du Street Art au monde.

Un immense merci à Shepard Fairey, artiste engagé et humaniste, pour son temps et sa bienveillance. Rencontre. 

 

 

Quelle est votre définition du Street-Art ?
C’est l’art réalisé dans l’espace public, qu’il soit légal ou illégal. Le Street Art est TOUT ART qu’on retrouve dans la rue et les espaces public. Ça peut être des graffitis, des affiches, des autocollants, des peintures murales, des sculptures, etc. C’est à la fois un mouvement et un moyen d’expression. C’est un art instantané, dont le but est de faire passer un message.

Vous utilisez les codes de la publicité et de la communication politique. Est-ce pour réveiller le citoyen qui sommeille en chaque consommateur ?
Oui. Je parle le langage visuel de notre époque. Cela inclut la publicité. La publicité est une forme de propagande dans la culture occidentale, donc la seule vraie différence entre la publicité et la propagande politique est qu’elle est utilisée pour influencer le comportement politique des gens. L’autre est d’influencer le comportement des consommateurs. Ces deux éléments se chevauchent souvent. Je considère que le but de mon travail est d’inciter les gens à être plus honnête envers eux-mêmes et je les encourage à remettre en question leur mode de vie et de consommation. Mon travail correspond à de la propagande parce qu’il y a toujours une intention derrière mes œuvres. On ne se rend pas compte à quel point l’influence des grandes compagnies abîme la démocratie. J’essaie, à travers mes oeuvres, d’éveiller l’opinion. 

Vous dites que vos œuvres doivent « trouver l’équilibre entre évocation et provocation ». Pouvez-vous nous expliquer ?
Dans mes œuvres, j’allie des concepts provocateurs à des éléments émotionnels. Une provocation excessive peut repousser le public et l’esthétique pure est sans intérêt. Une image doit contenir un concept. J’essaye de faire appel à la sensibilité et à l’intelligence de chacun. Si mon travail ne séduit pas au premier regard, alors il ne pourra pas provoquer intellectuellement, donc j’essaie de rendre mes images attrayantes pour amener ensuite un contenu puissant et provoquer celui qui la regarde.

Pour réussir dans le monde du Street art, faut-il être à la fois artiste, activiste et homme d’affaires ? 
Pour moi oui ! J’étais à l’aise dans l’art et l’activisme au début, mais très mauvais en affaires, il était donc assez difficile pour moi de produire la quantité de travail suffisante pour satisfaire mon public. Je suis donc devenu meilleur en affaires car il était essentiel pour moi d’avoir les ressources suffisantes pour diffuser mon travail et avoir la liberté de passer du temps à créer. 

Dans vos œuvres, vous dénoncez la société de consommation alors que la marque Obey est devenue un produit de consommation réputé. N’est-ce pas un peu paradoxal ?
Absolument, mais pas hypocrite ! Je veux dire par là que quiconque d’entre nous qui vit dans une société capitaliste n’a aucun moyen d’éviter d’y participer. Cependant, nous pouvons participer avec une conscience consciencieuse et communiquer qu’il est possible d’exister au sein même du capitalisme sans prendre part à ses aspects les plus brutaux. J’utilise le capitalisme pour générer des fonds que je reverse à des causes qui rendent le monde moins misérable et qui modifient parfois même les politiques autour du capitalisme pour le rendre plus équitable.

Crédit photo : L’action vaut plus que les mots © Shepard Fairey (Obey Giant)

En décembre dernier, une de vos fresques « Liberté égalité Fraternité » a été détournée à Paris, comment l’avez-vous vécue et pourquoi avoir décidé de la transformer ?

Je l’ai découvert grâce à ma galerie parisienne, la Galerie Itinerrance, située dans le 13e arrondissement de paris justement. Ils m’ont demandé de répondre à une interview, ce que j’ai trouvé assez audacieux étant donné qu’ils avaient aidé à financer l’attaque de la fresque comme moyen d’autopromotion. Donc ma réaction a été mitigée. D’une part, j’applaudis tous ceux qui luttent contre les injustices. Pourtant, de l’autre, la fresque que j’avais réalisée défendait des idéaux nobles qui je crois devraient être inattaquables. Quoi qu’il en soit, je l’ai vu comme une opportunité de créer un dialogue sur l’importance des actions à mener par rapport aux mots !  Restaurer ma fresque, garder cette larme, créer une nouvelle version de l’impression, m’a permis de parler de questions humanitaires et de collecter des fonds pour des organisations caritatives. 

Propos recueillis par Carole Cailloux

SHEPARD FAIREY AKA OBEY

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