Pilier de la scène underground genevoise, O.B.F revient avec son deuxième album SIGNZ. Sorti le 29 mai dernier, l’œuvre se situe à la croisée des chemins entre le soleil de la Jamaïque et le fog londonien. Depuis près de 15 ans, O.B.F emmène son sound system à travers le monde. Des squats de Genève aux tournées internationales, récit avec Rico, DJ et producteur du groupe.
Racontez-nous la genèse d’O.B.F ?
Nous faisons partie intégrante de la scène underground genevoise. On a évolué dans le milieu du reggae et des soirées sound system qui se passaient dans les caves des squats à Genève. On a construit notre matériel, organisé les sessions, produit notre musique, c’était de l’auto gestion totale. Le sound system d’O.B.F a commencé comme ça, en famille. Quand les soirées ont commencé à bien fonctionner, on a eu accès à la salle de spectacle l’Usine à Genève ce qui a marqué la deuxième étape de l’histoire d’O.B.F. Quatorze ans après, on continue à y organiser les Dubquake, tous les deux mois.
Le sound system, c’est quoi ?
Le sound system prend ses racines dans la culture jamaïcaine. C’est la musique du peuple. Le sound system c’est avoir son propre matériel et l’installer où tu veux pour proposer de la musique à la classe populaire. Les endroits ne sont pas toujours bien adaptés mais les gens s’y réunissent en masse pour fêter, écouter les nouveaux morceaux, produits souvent exclusivement pour le sound system. Généralement, le matériel est fabriqué maison, ce qui forge l’identité du sound system. À la fin de la colonisation, des Jamaïcains se sont installés en Angleterre et ont importé cette partie de leur culture en Europe.
Le matériel d’O.B.F est aussi fait maison ?
Lors de notre dernière tournée au Japon, nous avons joué sur un sound system japonais. Nous avons alors développé notre matériel avec une team japonaise qui a designé un équipement exclusivement pour O.B.F, en fonction de nos critères. Notre précédent matériel avait été conçu par un expert anglais du sound system. Depuis nos débuts, nous avons changé trois fois d’équipements parce qu’ils sont en perpétuelle évolution et s’améliorent chaque année. C’est comme un voiture de compétition : tu la perfectionnes, tu l’allèges, tu la réduits pour pouvoir la transporter plus facilement. Bref il y a toujours des ajustements à apporter.
Que change le sound system par rapport à un live normal ?
Un live se passe sur scène alors qu’un sound system se déroule au sol, dans l’arène avec les gens. Cette proximité avec le public crée une communion beaucoup plus forte parce qu’on est en face des gens, on peut les regarder dans les yeux, les toucher, on a la même source sonore qu’eux. Du coup, cela crée une relation beaucoup plus intense, plus familiale. C’était le but quand le mouvement est né dans les classes populaires. Se tenir au même niveau que le public, voilà la grande différence avec un live.
« on a toujours essayé de garder une longueur d’avance dans le milieu du dub en expérimentant toujours plus »
Six ans après la sortie de WILD, O.B.F revient avec son deuxième album SIGNZ. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Nous avons produit beaucoup d’autres artistes, réalisé plusieurs collaborations, on a sorti des singles, des vinyles. Mais là, je voulais vraiment revenir et mettre O.B.F en avant, avec mon inspiration comme base dans la construction de l’album. En six ans, on a toujours essayé de garder une longueur d’avance dans le milieu du dub en expérimentant toujours plus, c’est ce qui nous permet de nous démarquer. Je suis toujours influencé par des musiques différentes où résonnent des atmosphères plus tribales, psychédéliques, hip-hop, envoûtantes qu’on n’entend pas forcement dans le reggae ou dans le dub actuellement.
Comment s’est déroulé le travail de composition pour SIGNZ ?
SIGNZ a été influencé par le son et l’atmosphère de la Jamaïque, la culture, les paysages, la chaleur ambiante. L’album puise aussi dans froid, le fog de l’Angleterre, dans les tendances anglaises actuelles du grime, du hip hop contemporain. Nous bénéficions aussi de l’influence de la montagne où nous vivons. Dans SIGNZ, on trouve ainsi des ambiances plus ésotériques inspirées par les Alpes, et d’Amérique du sud avec une chanson en espagnole. SIGNZ propose aussi de beaucoup de collaborations entre plusieurs chanteurs sur un même morceau.
« Puisque tout a été annulé, on réfléchit à préparer des surprises, des tournées improvisées dans des lieux aux dimensions plus modestes, avec moins de cent personnes. »
Qui sont-ils et qu’ont-ils apporté à l’album ?
C’est vraiment la famille que nous avons invitée. D’abord Nazamba, un poète jamaïcain dont j’ai produit le dernier album. On écrit, on compose ensemble. C’est lui qui a signé les interludes, les introductions de SIGNZ pour vraiment marquer la notion de “signe” : le signe de la vie, le signe du temps, de la réflexion sur soi-même. Je cherchais une voix forte, avec du caractère, pour s’adapter au message que je voulais porter. On a aussi travaillé avec plein d’autres potes : Shanti D, Sr. Wilson, Charlie P, Pupa Jim, Junior Roy, Biga Ranx sur l’idée du signe, de la voie à suivre à travers les expériences vécues ensemble. Ce sont des chanteurs avec qui on a commencé et avec qui on évolue.
Votre programme de l’été ?
On va d’abord se concentrer sur l’album qui vient de sortir. Des morceaux vont en découler, sous forme de singles et de vinyles. Le Covid a complètement modifié nos plans. On avait prévu une tournée dans les festivals d’Europe et d’Angleterre, le Paléo, le Rototom, les Vieilles charrues... Puisque tout a été annulé, on réfléchit à préparer des surprises, des tournées improvisées dans des lieux aux dimensions plus modestes, avec moins de cent personnes. Ça ferait plaisir à nos followers et à O.B.F aussi de se retrouver en famille.
Propos recueillis par Nathalie Truche