Avec un sujet lourd qu’est la perte d’un enfant, le réalisateur Hongrois Kornél Mundruczó nous offre une oeuvre puissante et une performance hors norme de l’actrice Vanessa Kirby.
Sur Netflix, le rayon films d’auteur nous a déjà fait découvrir quelques perles comme Marriage Story, de Noah Bomach magnifique chronique d’une séparation doublée d’un hommage à Ingmar Bergman, 6 fois nommée en 2020. Pieces of a Woman est une œuvre de la même veine, une belle production américaine qui puise le meilleur de la tradition du cinéma européen, à travers un réalisateur qui nous livre un film dramatiquement brillant et absolument déchirant.
Pieces of a Woman, produit par Martin Scorsese, est le film choc de ce début d’année. Il raconte l’histoire bouleversante d’un couple qui perd son enfant dès sa naissance. Le film est d’une intensité rare. Vanessa Kirby, révélée par la série The Crown est criante de douleur et de réalisme dans un film qui perturbe, pour longtemps.
Ils avaient tout prévu, répété, récité, contrôlé. Jusqu’au moindre détail. Martha et Sean attendent leur premier enfant. Le début du film raconte le bonheur à venir. Elle souhaite accoucher à la maison, avec l’aide d’une sage-femme, sans péridurale. Il sera son assistant, comme ces pères modernes qui pourraient écrire tout un chapitre sur la dilatation du col de leur femme. Souriez, vous n’en aurez bientôt plus l’occasion. Car il y a un mais… sans échappatoire, sans faux-semblant, sans coup de bluff. Face à la tragédie que le couple affronte, on est totalement impuissant et lessivé par l’immersion d’un plan séquence inteminable de 23 minutes dans laquelle on est plongé et impliqué et qui nous emmène dans les méandres de la perte de la chair.
Un mari détruit, un couple qui vole en éclat, un enterrement non souhaité, une mère inquiète, faible et honteuse de la situation, une sœur culpabilisatrice, des collègues au regard lourd et à l’empathie embarrassante, un procès contre la sage-femme de l’accouchement… Beaucoup d’agitations, de heurts et d’incompréhensions à la dureté infinie. Le film raconte les grandes étapes du deuil, mais aussi du travail de reconstruction d’un couple après une telle épreuve. Le désarroi, la colère ou la recherche d’un coupable, chacun trouve, à sa manière, le moyen de la dépasser. On observe une jeune femme aller à son rythme, se dénaturer, sans jamais expliquer ce qui se passe dans sa tête, qui semble se contrôler pour ne pas « péter les plombs ». C’est la grande force du film : donner à Martha la possibilité de vivre son deuil seule face au reste du monde, sans donner d’explications ni à sa famille ni au spectateur. Plusieurs fois, son mari la supplie de lui dire ce qu’elle ressent, essayant de décrypter les sentiments de sa femme qui se referme sur elle-même ou qui n’arrive simplement pas à recoller les morceaux d’une vie brisée.
Pieces of a Woman est une chronique intimiste et déchirante de la vie d’un couple et le portrait bouleversant d’une femme qui doit apprendre à faire son travail de deuil. Du grand cinéma sur petit écran.
Pieces of a Woman, de Kornél Mundruczó (États-Unis, Canada, Hongrie, 2020), avec Vanessa Kirby, Shia LaBeouf, Molly Parker, Sarah Snook, 2h06. Disponible sur Netflix.