Pour la première fois, David Sala livre son histoire personnelle et nous confie le poids des héros. Les héros, ce sont ses grands-parents espagnols, acteurs de la résistance sous Franco et même pour l’un, survivant de l’holocauste. De cet héritage à la fois écrasant et flatteur, il tire un album magistral dans lequel on le voit grandir tant bien que mal en compagnie de ces figures imposantes.
Comment mêler l’insouciance de la jeunesse des années 70 où tout semble pétiller de couleurs et de joie, avec la grande Histoire, celle des plus tragiques ? Surtout lorsqu’elle implique au sein d’une même famille deux grands-pères héroïques dont il faut porter haut la mémoire et les exploits ?
C’est ce que semble se demander le jeune David, un peu égaré au milieu de toutes ces personnalités incroyablement courageuses et dignes qui l’entourent. Chez lui, on parle haut et fort de ce qu’on a subi pour que ça n’arrive plus. Replié aux toilettes, le jeune garçon lit des livres sur la déportation à un âge où l’on se repaît généralement des blagues de Toto. Indéniablement son enfance n’est pas banale au sein de cette famille dont l’un des grands-pères, pourtant en fin de vie, déclare d’emblée qu’il lui est impossible de mourir avant cette pourriture de Franco. Il tiendra bon.
Le ton est donné : révolte, engagement ; dans la famille on s’implique sans relâche.
Au sein de cette mêlée joyeuse et révoltée, David et ses frères grandissent comme tous les gosses des 70’s avec un tourne-disques, une radio qui crépite, une télé en noir et blanc et des bonbecs à gogo pour quelques francs. En bons gônes lyonnais, l’argot ponctue leur discours. Parties de foot et balades en biclou sont leurs activités préférées. Une vie presque normale.
Leur mère, figure de la mémoire familiale par excellence, implore son fils devenu artiste de raconter leur histoire afin qu’elle ne tombe pas dans l’oubli. Rassemblant son courage, ses souvenirs et ses pinceaux, David a respecté son souhait et honoré magnifiquement ses héros.
Auteur de nombreuses œuvres pour adultes et enfants, c’est la première fois que David Sala s’attaque à l’intime. Des confessions bouleversantes servies dans un écrin merveilleux, que j’ai particulièrement appréciées.
Gaëlle Poirier