Publié le 3 septembre 2024
Interview : Joris Mathieu, directeur du Théâtre Nouvelle Génération, présente son nouveau spectacle
Crédit photo : © Nicolas Boudier
Interview

Interview : Joris Mathieu, directeur du Théâtre Nouvelle Génération, présente son nouveau spectacle

Explorer les futurs utopiques à travers le théâtre immersif
Spectacle
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Théâtre, Interview
Crédit photo : © Nicolas Boudier

À la tête du Théâtre Nouvelle Génération depuis 2015, Joris Mathieu mêle littérature, arts plastiques et technologies nouvelles pour créer des expériences théâtrales immersives et intergénérationnelles. Son travail repousse constamment les frontières entre spectateur et performance, fusionnant technologie et poésie pour offrir de nouvelles perspectives au théâtre contemporain.

Cornucopia
D’autres mondes possibles (épisode 2)

Deuxième volet de son cycle D’autres mondes possibles, Cornucopia est une fiction d’anticipation qui interroge notre immobilisme face aux grands enjeux de notre époque. Cette création nous plonge dans un monde futuriste où une société utopique explore les limites de l'abondance et du progrès, questionnant les possibilités de notre propre avenir.

Rencontre avec Joris Mathieu, à l’occasion de son nouveau spectacle Cornucopia qui sera représenté au Théâtre National Populaire du 8 au 19 octobre 2024.

Bonjour Joris Mathieu, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Bonjour, je suis auteur et metteur en scène. Depuis 10 ans, je dirige le Théâtre Nouvelle Génération – Centre dramatique national de Lyon. En 1998, j'ai fondé la Compagnie Haut et Court,

marqué par l’exploration des interactions entre littérature, arts plastiques et des nouvelles technologies. J’aime questionner le présent pour imaginer l’avenir, à travers des expériences scéniques inédites, un théâtre d’anticipation qui explore le monde, la place de l’individu et celle de l’art dans notre société. J’aime développer de nouvelles formes d’écritures théâtrales, immersives et intergénérationnelles !

Votre nouvelle création, "Cornucopia", explore un futur utopique. Qu'est-ce qui vous a inspiré ce thème, et en quoi résonne-t-il avec les préoccupations actuelles de notre société ?

Ce qui m'a inspiré pour "Cornucopia", c'est la prise de conscience croissante des défis environnementaux, sociaux et économiques auxquels notre société fait face. Depuis 2 ans, avec le premier volet "La Germination", j'explore comment ces préoccupations alimentent un mouvement vers un avenir plus durable. "Cornucopia" imagine un monde où le génie humain tente de dépasser les limites naturelles, tout en mettant en garde contre les dangers de cette ambition. Inspirée par le mythe de la Corne d'abondance, cette société utopique questionne nos propres aspirations en contrastant avec notre quête insatiable de ressources.

J’aime questionner le présent pour imaginer l’avenir, à travers des expériences scéniques inédites

Crédit photo : © Nicolas Boudier

Vous avez souvent recours à des dispositifs scéniques innovants dans vos spectacles. Comment avez-vous conçu l'environnement immersif de "Cornucopia", et quel rôle joue la technologie dans cette œuvre ?

Pour concevoir l'environnement immersif de "Cornucopia", j'ai collaboré avec le scénographe Nicolas Boudier, dont l'expertise a été essentielle. Nous avions deux objectifs : créer un univers visuel et sensoriel unique pour transporter le spectateur, et questionner l'usage de la technologie dans nos vies. Dans "Cornucopia", la technologie est à la fois un outil scénique et un thème central qui interroge notre dépendance, notamment avec l'essor des intelligences artificielles. Le spectacle invite le public à réfléchir aux promesses et aux dangers de ces innovations.

Depuis votre arrivée au Théâtre Nouvelle Génération, vous avez mis l'accent sur une approche intergénérationnelle du théâtre. Comment cette vision se manifeste-t-elle dans vos créations ?

En effet, j’ai toujours souhaité mettre en avant une approche intergénérationnelle du théâtre. Le théâtre doit s'adresser à tous, indépendamment de l'âge, et il est important de s’adresser à la nouvelle génération. Cela se traduit par la création d'œuvres qui sont à la fois accessibles et stimulantes, du plus jeune au moins jeune ! Nous développons des dispositifs scéniques « immersifs » qui engagent le spectateur à chaque spectacle. Cette dimension intergénérationnelle se retrouve aussi dans le choix des

thématiques abordées, qui touchent des préoccupations communes à toutes les tranches d'âge, et dans la manière dont nous cherchons à encourager un dialogue entre les générations à travers le théâtre.

La Compagnie Haut et Court est connue pour ses adaptations littéraires. "Cornucopia" est une création originale, comment avez-vous abordé l'écriture de ce récit d'anticipation ?

Oui, cette fois-ci, j'ai commencé par écrire un récit narratif. Ce travail a ensuite évolué sur le plateau, où j'ai collaboré étroitement avec les comédiens pour élaborer les dialogues et affiner les interactions. Les costumes, inspirés par la culture DRAG, jouent également un rôle crucial dans cette pièce. Ils apportent une dimension de fantaisie, de loufoquerie, et d'excentricité, créant un contraste saisissant avec la sobriété du monde que nous dépeignons. Cette opposition entre l'exubérance visuelle et la retenue narrative permet d'accentuer les paradoxes de ce nouveau monde utopique que nous cherchons à interroger."

Pensez-vous que le théâtre a un rôle à jouer dans la sensibilisation du public à ces enjeux environnementaux ?

Absolument, le théâtre a un rôle essentiel à jouer dans la sensibilisation des publics à ces enjeux. Par nature, le théâtre crée un espace de réflexion collective où le spectateur peut non seulement se confronter à des idées nouvelles et complexes, mais aussi les vivre intensément. Avec 'Cornucopia', nous avons voulu engager le public dans une réflexion profonde sur la décroissance. En les plongeant dans un monde futuriste qui explore les limites de l'abondance, nous souhaitons non seulement à les divertir, mais aussi à les inciter à reconsidérer leur rapport à la consommation… Le théâtre, en tant qu'art vivant, a cette capacité unique de créer un espace hors du temps, où l'on perd un peu le contrôle, ce qui nous permet de nous abandonner à l'expérience et peut engager un dialogue profond et nécessaire autour de ces questions importantes.

créer un univers visuel et sensoriel unique pour transporter le spectateur

Crédit photo : © Nicolas Boudier

L'Oracle, une intelligence artificielle hybride, joue un rôle central dans la pièce. Qu'est-ce qui vous fascine dans les technologies de l'IA, et comment envisagez-vous leur place dans le futur de l'humanité, tel que vous le dépeignez dans votre spectacle ?

Ce qui me fascine dans l'IA, c'est sa capacité à repousser les frontières de ce que nous considérons comme possible. Les révolutions technologiques ont toujours suscité des craintes, comme à l'époque de l'industrialisation. Cependant, il est crucial de voir l'IA non pas comme une menace, mais comme un outil au service de l'humanité. Certes, il y a des inquiétudes légitimes, notamment concernant le remplacement de certains métiers, mais l'IA peut aussi libérer du temps et de l'énergie, nous permettant de nous concentrer sur des activités plus créatives et épanouissantes. Dans "Cornucopia", l'Oracle symbolise cette dualité : cette avancée technologique fascinante qui nous invite à réfléchir à la direction que nous souhaitons donner à notre société.

La Germination, D’autres mondes possibles (épisode 1) était présentée en réalité augmentée, ici pour cet épisode 2, le public prendra quelle place ?

Le public sera invité à se joindre aux Cornucopiens, en prenant place dans une sorte de gradin circulaire, telle une agora, lieu de débat et de prise de décision collective. Cette configuration permet au public de faire partie du peuple de cette démocratie « parfaite » que nous dépeignons. 

L'implication active du public enrichit l'expérience théâtrale en brouillant les frontières entre la scène et la salle, en créant un sentiment d'immersion totale. Le spectacle utilise de lumières phosphorescentes et rétroéclairées, renforçant l'idée d'une sobriété volontaire et d'un engagement envers des valeurs écologiques, faisant de chaque représentation, une expérience unique, où le public partage non seulement l'espace physique, mais aussi les enjeux et les décisions qui se jouent sur le plateau.

Vous qui avez toujours cherché à repousser les limites du théâtre traditionnel. À quoi ressemblerait, selon vous, l'avenir du théâtre dans 20 ou 30 ans ?

L'avenir du théâtre dans les prochaines années sera, à mon avis, protéiforme, où la modernité et la tradition continueront de cohabiter ! Le théâtre évoluera en intégrant les nouvelles technologies, tout en préservant ce qui constitue son essence : la présence physique, la performance, la résistance, et l'instant T. La crise du Covid a réaffirmé l'importance de l'expérience partagée en direct, vécue dans l'instant présent, où le théâtre, en tant qu'art vivant, crée un lien immédiat et puissant avec le public. Je pense que nous assisterons à l'émergence de formes encore plus hybrides, où l'expérience théâtrale se déploiera bien au-delà des murs du théâtre, en intégrant des éléments numériques ou immersifs.

 

Crédit photo : © Nicolas Boudier

Enfin, quels seront les temps forts du TNG à ne pas manquer cette saison ? 

Tout d'abord, il y aura 'Cornucopia', bien sûr, qui sera présenté en octobre, pièce qui s'interroge sur notre avenir collectif ! En octobre également, nous aurons 'Le Ring de Katharsy' d'Alice Laloy, un spectacle dystopique où la scénographie s'inspire des codes du jeu vidéo. En novembre, 'Sauvez Bâtard' de Thymios Fountas nous plongera dans une fable queer et poétique au cœur d'un monde en ruine. Puis, en février, 'La Fracture' de Yasmine Yahiatène mêlera performance vidéo et monologue poignant pour explorer une quête d'identité à la fois intime et politique. Mars sera un mois très spécial pour nous, avec la réouverture du TNG-Vaise après 2 longues années de travaux. Nous célébrerons cet événement avec un grand week-end de fête du 21 au 23 mars, une série de spectacles, d'ateliers, et de festivités pour toute la famille. En mai, il y aura 'Peau d’Âne – La fête est finie', version contemporaine du conte de Perrault… Et bien d'autres surprises vous attendent ! N'hésitez pas à consulter la programmation du théâtre en ligne !

Propos recueillis par Carole Cailloux

Cornucopia
Du mardi 8 au samedi 19 octobre 2024

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