Festen, le film culte de la nouvelle vague danoise réalisé en 1995, a servi de point de départ à la pièce de Cyril Teste. « C’est un film sur l’increvable cohésion de l’hypocrisie sociale. » Quand le cri se heurte à un mur, on se demande ce qui est le plus insoutenable : dire la vérité ou que la vérité une fois dite ne soit pas entendue ? Après le succès de Nobody, la création de Cyril Teste et du Collectif MxM est très attendue.
Christian arrive en taxi devant le théâtre. Il est au téléphone, paie le taxi. Il entre dans le hall du théâtre avec sa valise. Une caméra le filme en plan séquence et nous introduit dans les coulisses, par l’arrière du décor. La pièce a commencé en dehors du plateau. Les coulisses font maintenant partie du récit et de tous les hors-champs de l’histoire, de tous les secrets. De l’autre côté, la fête se prépare, la table est mise, les invités arrivent. Une double fiction se dessine, celle du repas et celle de l’arrière du décor.
Festen va s’écrire comme un long plan séquence d’1h30 dans lequel le chef opérateur va traverser les murs, les fenêtres, les miroirs pour suivre le récit. Le décor sera en mouvement ainsi que les miroirs sans teint, pour ouvrir le champ sur d’autres pièces de la maison. Une maison vivante qui nous offre des prises de vue et des travellings au plus près du jeu des acteurs, au plus près de l’histoire qui se déroule sous nos yeux. C’est au cours d’un repas d’anniversaire pour le patriarche de la famille que Christian, le fils ainé, doit porter un toast à sa défunte sœur jumelle, morte un an plus tôt. Pendant ce temps, son meilleur ami Kim s’affaire en cuisine pour retenir les invités. Les secrets enfouis se font jour et la gêne s’installe, au comble de l’émotion.
Cette vision de la société contemporaine et de ses hypocrisies donne de nouveau l’occasion à Cyril Teste et au Collectif MxM de poursuivre leurs performances filmiques en temps réel pour capter l’instant éphémère à chaque représentation. Le théâtre s’appuie sur un dispositif cinématographique en temps réel et à vue. Une équipe d’acteurs époustouflants et une équipe de tournage remarquable s’entremêlent pour nous tenir en haleine dans les méandres de cette intrigue familiale.
Festen est une triple histoire de cinéma, de théâtre et de famille. Festen est plus qu’une expérience esthétique. On assiste à la confrontation explosive d’un rituel (la célébration d’un anniversaire) et de sa rupture (la dénonciation par un fils des crimes de son père). L’effet de réalité produit est sidérant : au-delà de l’inceste paternel, c’est la complicité tacite de toute une société qui se révèle. Cette œuvre-carrefour révèle dans sa structure, le statut même du théâtre et de sa fonction politique à travers le discours, avec l’espoir cette fois-ci, qu’il prendra la conscience du roi.
Dans la lignée de « Nobody », Cyril Teste continue d’interroger la relation entre le décor de théâtre et le studio de cinéma, entre le jeu réel des comédiens et l’image. Ici, les deux registres se conjugent et le résultat est spectaculaire.
Autre prouesse technique, Cyril Teste introduit différents savoir-faire pour stimuler les sens sur le plateau. Il fait appel à Francis Kurkdjian et Olivier Théron, respectivement illustrateur olfactif et créateur culinaire, pour déguster un vrai banquet à chaque représentation. L’odorat et le goût exerguent le réel et ajoutent à la performance théâtrale vivante.
Festen a été produit et répété intégralement sur les plateaux de Bonlieu Scène nationale. Cette pièce est l’événement de la rentrée théâtrale.