Alors que le Théâtre de la Croix-Rousse s’apprête à inaugurer sa saison anniversaire célébrant ses 30 ans, nous avons rencontré sa directrice, Courtney Geraghty. Morceaux choisis.
Pour tous ceux qui ne seraient pas familiers du TXR, ou n’auraient pas encore passé ses portes, comment décririez-vous son ADN et sa programmation ces 30 dernières années ?
Le théâtre est situé en plein cœur du quartier de la Croix-Rousse, et depuis mon arrivée à sa direction, en 2021, sa programmation s’articule notamment autour des notions de représentativité et d’inclusivité, soit comment donner à voir et à entendre les personnes à qui on ne donne pas toujours la parole dans la société. Cette ligne directrice nous amène à traiter des sujets variés, le tout avec une approche pluridisciplinaire dont le point de départ est toujours le théâtre.
Cet art se mêle ici à la danse, au cirque, à la musique, aux arts plastiques, à la vidéo, aux marionnettes… Avant que je n’arrive à sa direction, deux autres directeurs m’ont précédé, chacun d’entre eux apportant leur regard personnel. En 30 ans le Théâtre a donc évolué, s’est hybridé, et perdure grâce au travail exceptionnel de ses équipes.
Comment avez-vous imaginé cette célébration des 30 ans ?
Notre désir était de créer une programmation jubilatoire et foisonnante. Nous conservons notre caractère très engagé, mais nous avons aussi le cœur à la fête et avons concocté une saison qui en mettra plein les yeux aux spectateurs. Encore une fois, la notion de pluridisciplinarité se place au centre, tout comme notre engagement pour un théâtre qui parle de notre époque, de ses difficultés, des enjeux de notre société. L’inauguration se déroulera le 14 septembre sur le parvis et dans les jardins du théâtre, tout comme la clôture de saison. Ces interventions en extérieur sont aussi là pour permettre au théâtre de se démocratiser. Mais nous avons la chance d’avoir à nos côtés un public fidèle, mais aussi un public qui se renouvelle, avec 40% de jeunes spectateurs de moins de 30 ans, attirés par les thématiques que nous traitons. C’est une très grande fierté pour nous, et j’en profite pour les remercier de leur soutien sans faille et de leur amour pour le Théâtre de la Croix-Rousse.
Cela n’est jamais simple, mais pourrait-on dégager quelques temps forts de cette saison ?
En effet, c’est une question compliquée car nous adorons tous nos spectacles ! Mais nous pouvons citer trois coups de cœur, à commencer par Los días afuera de Lola Arias. Il s’agit d’un spectacle mêlant le genre documentaire à la comédie musicale et ressemblant sur scènes des acteurs non professionnels qui ont été incarcérés en Argentine. C’est un spectacle très fort, qui donne la parole à ces personnes rejetées par la société. Autre coup de cœur, La nuit se lève, qui traite de la question de l’inceste. Le sujet traité par la talentueuse jeune metteuse en scène Mélissa Zehner est très lourd, mais la manière dont elle aborde cette thématique et la qualité de son travail emprunt de délicatesse en font une pièce inoubliable. Enfin, Cosmos, que l’on retrouvera en mars prochain, dépeint un moment de l’histoire resté dans l’ombre : les femmes cosmonautes des années 60, aux Etats-Unis.
La rencontre avec les publics est au cœur de l’ADN du TXR. La médiation sera-t-elle centrale pour ce 30ème anniversaire ?
Oui tout à fait, c’est ce que nous appelons ici le théâtre de la convivialité. Depuis mon arrivée nous avons mis en place de nombreuses actions, à l’image des avant-scène en collaboration avec la bibliothèque de Lyon, permettant de parler d’une pièce avant d’assister à la représentation. Pour notre anniversaire nous avons prévu une cinquantaine d’actions ouvrant les portes du théâtre au public en dehors des spectacles. Des rencontres, des ateliers, des stages, des projections.
Le 14 septembre marquera l’inauguration de votre nouveau tiers lieu. Pouvez-vous nous en dire plus à son sujet ?
Le théâtre fête ses 30 ans cette année, mais le lieu à en réalité un siècle. Il était au départ une salle des fêtes, et nous avons voulu renouer avec cet esprit en créant ce tiers lieu se basant sur l’idée suivante : un espace accessible à tous, où chacun peut présenter ses projets, aux simples conditions de créer des événements accessibles au public, et n’ayant pas attrait à la politique, à la religion, ni au théâtre. Il peut alors s’agir d’un cours de yoga, d’un atelier de recyclerie. Nous sommes ouverts à tout, sans jugement de qualité. Tous les projets sont légitimes. Nous avons hâte de recevoir les premières propositions.
Propos recueillis par Aurore De Granier