Sacrée artiste féminine aux Victoires de la Musique, Clara Luciani revient avec « Cœur », un deuxième album aux sonorités disco-modernes. Onze chansons dansantes et intimes qui saupoudrent la grisaille ambiante de ses paillettes et rythmes enjoués.
Votre deuxième album s’intitule Cœur. Pourquoi ?
Ce titre s’est imposé de lui-même quand j’ai remarqué que chaque chanson contenait le mot cœur dans ses paroles. C’est un mot qui m’a toujours attiré autant pour sa sonorité que pour son symbole, avec l’entrelacement du o et du e. C’est très beau. L’idée est aussi venue d’une conversation avec mon père au sujet de mon hypersensibilité et au cours de laquelle il me disait que je suis un cœur sur pattes ! Toutes ces raisons se sont imbriquées pour faire de ce titre une évidence.
Il est le fil conducteur de ce projet ?
Oui. J’ai essayé de le construire comme tel. Au tout début, on entend les battements de mon cœur enregistrés en posant un micro sur ma poitrine. C’est un album qui évoque toutes les formes d’amour possibles. Je l’ai aussi construit comme un concert, comme une soirée dansante avec beaucoup de chansons très enjouées, très envolées et d’autres qui permettent de reprendre son souffle, de s’asseoir, puis de repartir.
Vous avez écrit les premiers textes en 2019. Deux ans, c’est court ou long pour un album ?
J’ai l’habitude de dire que j’ai mis 25 ans pour écrire mon premier album. Si techniquement je n’ai pas mis tout ce temps-là pour l’écrire, les chansons étaient le résultat de 25 ans de vie, de sentiments, de souvenirs. Et là, tout d’un coup, il faut réaliser un autre disque une année seulement après avoir sorti le premier. Alors oui, deux ans c’est court.
Suivez-vous une méthode de travail ?
Non. J’ai essayé mais je suis super mauvaise. Je m’étais résolue à m’installer devant ma table tous les jours pour me forcer à travailler. Je sais que ça marche chez certains artistes mais avec moi, pas du tout. C’est même le contraire : plus je pense au travail, moins je suis productive. Alors j’essaie de me laisser en paix.
Vous pouvez passer des jours sans écrire ou composer ?
Pire que ça : je peux passer des mois sans toucher la guitare si je ne me sens pas inspirée. Je trouve pénible de prendre un instrument et de s’obliger à jouer. On se sent nul parce qu’on n’arrive à rien. J’ai appris à accepter que mon métier ne consistait pas seulement à toucher un instrument. En fait, on travaille tout le temps en emmagasinant des expériences sensorielles, des émotions, des rencontres. C’est tout ça que je transforme ensuite en chansons. D’abord, il me faut de la matière première. Le simple fait de vivre nourrit mon art.
Vous avez travaillé à distance pendant le confinement ?
J’ai essayé de travailler par Zoom. C’était une catastrophe à cause d’une connexion internet épouvantable. Jouer de la guitare ou chanter avec un décalage de cinq secondes, c’était l’enfer !
La sortie de Cœur vous met dans quel état émotionnel ?
Je suis très angoissée et très excitée en même temps, comme à la veille d’une rentrée des classes. Le côté agréable prend le dessus, mais après un an et demi d’arrêt, c’est beaucoup d’émotion d’un coup. J’ai l’impression que mon cœur n’est plus trop habitué à l’intensité de l’événement.
La pression est plus forte que lors du premier album ?
Oui, ça n’a rien à voir. J’ai écrit le premier album pour moi, pour mes parents car je savais qu’ils allaient l’acheter ! On a vendu 300 000 exemplaires. Ça veut dire que j’ai 300 000 personnes à ne pas décevoir avec ce deuxième album.
Vous pensez à elles quand vous écrivez ?
Oui, mais j’essaie d’oublier et de retrouver l’instinct qui me poussait à chanter avant de passer à la radio. Je m’efforce d’écrire dans un instinct de… journal intime.
Cette couverture ne ment pas aux gens : l’album est joyeux, coloré, dansant et je pense, très féminin aussi.
Qu’a ce deuxième album de plus que le premier ?
Cœur est une photo prise à un moment de ma vie, juste un peu vieillie, le reflet d’une humeur, c’est un instantané. En tout cas, il est très fidèle à cette période précise, on peut dire que je ressemble à la photo. J’assume plus ma féminité. La chanson La Grenade m’a beaucoup aidée en ça. Je me sens décomplexée. Il y a dans Cœur un côté rieur, un brin moqueur, alors que le premier album était un peu plus sombre. Le côté dansant est une réaction à une humeur générale très stressante. Il marque la volonté d’aller à contre-courant de l’ambiance actuelle.
Sur la couverture, on vous voit en reine du disco…
Quand j’achète quelque chose, j’ai envie de comprendre ce qu’il y a à l’intérieur. Cette couverture ne ment pas aux gens : l’album est joyeux, coloré, dansant et je pense, très féminin aussi.
Y-a-t-il une chanson qui vous touche particulièrement ?
Ma favorite est Au revoir qui clôt l’album. Dans cette chanson, je me suis imaginé dire au revoir à ma carrière, à mon public. Ce morceau, que j’ai écrit en réaction au Covid, me touchera toujours car il me rappellera ce moment où j’ai été dépossédée de ma fonction, où j’ai eu l’impression que ma vie sans chanter avait peu de sens.
Le contexte sanitaire a donc influencé votre écriture…
Complètement. Par exemple, la chanson Respire encore est une ode au déconfinement.
Comment est née la collaboration avec Julien Doré ?
Notre rencontre a eu lieu grâce à un ami en commun et on s’est tout de suite bien entendu. Humainement parlant, nous étions sur la même longueur d’ondes. Je lui ai proposé de chanter Sad & Slow avec moi. Lui m’a aussi proposé une collaboration sur un morceau de son album. Nous avons pratiqué une sorte de ping-pong artistique. Comme lorsqu’on invite quelqu’un à diner et qu’il nous invite à son tour, j’ai trouvé joli cet échange de politesse.
Prête à remonter sur scène ?
Je croise les doigts tous les jours. La tournée d’octobre est complète. On vient de lancer une tournée des Zénith pour mars 2022. J’ai bon espoir. C’est rassurant de se fixer des dates, des repères qui nous permettent de nous projeter dans le futur.
Propos recueillis par Nathalie Truche