C’est un dialogue dont l’idée peut surprendre. Et pourtant, au premier regard les liens se tissent, les histoires se mélangent, et le clair-obscur nous avale tout entier. La Fondation Baur, Musée des Arts d’Extrême-Orient, nous invite à porter un oeil nouveau sur l’œuvre de Pierre Soulages à travers son rapport à l’esthétique japonaise, mais pas seulement. Si l’artiste français n’est plus à présenter, il entre en dialogue avec un créateur tout aussi célèbre dans son domaine, Tanabe Chikuunsai IV. Les oeuvres de ce vannier de renommée internationale conversent avec les toiles sombres du peintre français, et soudain tout fait sens.
Soulages voyage
La rencontre est inédite, surprenante. Pierre Soulages s’expose dans un musée consacré à l’art d’Extrême-Orient, et pourtant en pénétrant dans la Fondation Baur l’accrochage fait immédiatement sens. Les liens entre l’art japonais et le maître français du clair-obscur sont plus nombreux que l’on pourrait le penser. Dans la tradition japonaise, le noir est une teinte prédominante. Présente dans les objets décoratifs, les créations artistiques, les céramiques, il se joue de son obscurité pour faire ressortir la lumière. C’est ici qu’est née l’idée de cette exposition unique en son genre. Alors que dans les collections du musée certaines œuvres japonaises participent depuis des siècles à ces jeux de lumière dans les tréfonds de l’ombre, la commissaire d’exposition, Laure Schwartz pense à les faire dialoguer avec le maître en la matière. Les liens de Pierre Soulages avec le Japon sont avant tout esthétiques. La première fois qu’il se rend au pays du Soleil levant, lors du premier Salon de mai ayant lieu à Tokyo en 1951, il conquit les Japonais. La presse locale et spécialisée rapporte que le dépouillement de ses œuvres les séduit, tout comme le calme qu’elles inspirent par l’absence de toute charge visuelle et émotionnelle. Et puis il y a les contrastes, faisant jouer la lumière au plus profond des ténèbres. Dans l’espace d’exposition Soulages côtoie le Japon du passé, ses traditions, ses objets si éloignés géographiquement, et temporellement, mais qui pourtant parviennent à communiquer avec aisance, unis par la fascination pour le clair-obscur.
De la toile aux bambous
La Fondation va plus loin en intégrant à l’exposition des oeuvres d’un artiste vannier contemporain. Le Japonais Tanabe Chikuunsai IV s’inscrit dans la tradition tout en adaptant cette technique ancestrale à la création contemporaine. Ses sculptures fascinent et se jouent de la lumière qui les traversent, ricochant tantôt sur la surface du bambou, ou illuminant la structure de l’intérieur. Au coeur des salles d’exposition du musée, les époques se côtoient, les artistes se croisent, les styles changent, évoluent, mais au final entre Pierre Soulages et le Japon du passé et du présent, un lien semble indéfectible : aux deux opposés du monde, la lumière fascine, et prouve qu’elle peut jaillir des ténèbres. Une exposition aussi rare que précieuse que l’on s’empresse d’aller découvrir.
Eloge de la lumière, on aime, on adore !