Ugo Gattoni puise son inspiration dans les microcosmes surréalistes et la mythologie. Comme une gravure, ses dessins d’univers et de paysages très minutieux racontent des histoires avec une pointe d’humour, tout en laissant la place à l’interprétation du spectateur. Dans ces œuvres, débordantes de couleurs et d'énergie, il a su capturer l'esprit même des Jeux Olympiques et Paralympiques, tout en répondant aux attentes du comité d'organisation. Tout en respectant le brief donné, il a su préserver son style singulier et reconnaissable. Plongez dans l'univers créatif de Ugo Gattoni et découvrez ce qui le rend unique.
Peux-tu te présenter en quelques mots ? Comment es-tu devenu illustrateur ?
Je m’appelle Ugo, j’ai 35 ans, et je suis illustrateur. Basé en banlieue de Paris depuis 2010, j’ai également passé quelques années à Mexico. Diplômé en communication visuelle de l’EPSAA en 2010, mon premier projet d’envergure était une fresque de 10m sur 1,20m, réalisée en 8 mois. Il s’agissait d’un microcosme détaillé racontant ma vie quotidienne dans un univers fantastique, marquant mes débuts dans le monde de l'illustration.
Depuis, j'ai enchaîné les projets, du clip de Caravan Palace en 2012, à Bicycle, publié sous forme de dépliant dans un livre à l'occasion des JO de Londres en 2012, ce qui m'a ensuite permis de travailler avec des marques prestigieuses comme Hermès, Pierre Frey, Ruinart ou encore Diptyque.
J'anime aussi mes dessins désormais : une manière encore plus poussée de raconter des histoires !
C’est au « studio couteau », - le nom de ton atelier à Ivry-sur-Seine - que tu passes le plus clair de ton temps ?
Oui ! D’autant que je vis maintenant juste à côté du studio, ce qui m’a permis de m’enfermer pendant près de 4 mois pour créer l'affiche des JO ! Dans ma bulle, j’ai un peu perdu la notion du temps. Mais j'adore ça ! Créer des univers où l’on peut se perdre, se raconter des histoires, quitter la Terre et son quotidien. Mon travail s’inspire souvent des légendes et de la mythologie. Mais le "couteau" c’est parce qu’à côté de mon métier d’illustrateur, je cuisine ! enfin quand j’ai le temps. J’ai passé quelques années au Mexique et à mon retour, en 2019, j’ai monté le projet : Le Comalito. En combinant ma passion pour le partage, l'exploration, la fusion des genres et tous les prétextes à la convivialité, j’ai créé un restaurant ambulant et une cuisine influencée de la gastronomie française et mexicaine, et par ces deux années passées de l'autre côté de l'Atlantique. J’aime pousser tous mes crayons, les remplacer par des assiettes et faire un énorme festin dans mon atelier avec des copains !
Quel est l’artiste qui t'a inspiré au long de ton parcours, et qui continue de t'inspirer ?
On me compare souvent à Moebius, un artiste que j’admire vraiment beaucoup, et dont la comparaison me touche !
De la peinture au trompe-l'œil en passant par la mythologie, tes dessins racontent des histoires et laissent libre cours à l’imagination du spectateur. Peux-tu nous parler de ton approche narrative dans tes créations ?
J'ai eu la chance de travailler régulièrement sur de grands formats qui offrent plusieurs niveaux de lecture et permettent de développer des univers vraiment complexes. Il y a aussi un projet que je développe depuis des années, appelé Nebula, qui est un monde à part entière avec ses propres codes, une sorte de conte mythologique créé autour de la notion d’un bonheur infini. Nebula est un projet à très long terme, qui prendra des formes multiples, mais un livre sortira dans 2 ans, édité chez Flammarion, fruit d’un travail de presque 10 ans !
Tu as travaillé avec des marques prestigieuses telles qu'Hermès, Diptyque, Rolex, Nike, et des médias comme The New York Times. Comment se passent ces collaborations ? Et surtout, comment trouves-tu une liberté créative dans un travail de commande ?
En comprenant parfaitement les besoins et les objectifs du projet, ainsi que les valeurs et l'esthétique de la marque, je peux trouver des moyens créatifs de les intégrer à ma propre vision. Cela me permet de créer des œuvres qui sont à la fois authentiques et pertinentes pour la marque, tout en conservant mon style distinctif et ma créativité. En fait, elles sont l’opportunité pour moi de créer des œuvres qui résonnent à la fois auprès du public et de mes clients. C'est un processus assez stimulant et qui continue d'enrichir mon parcours artistique. Et chaque commande m’ouvre de nouvelles portes.
Tu es le créateur de l'affiche des JO de Paris 2024, une illustration complexe avec plus de 40 000 personnages, 29 sports olympiques, 18 paralympiques et près de 2 000 heures de travail. Peux-tu nous raconter le processus créatif d’une telle expérience ?
En fait, on parle de 2 000 heures une fois le croquis validé ! En amont il y a eu beaucoup d’allers-retours, j’ai commencé par des croquis, puis j’ai peaufiné le dessin final pendant plusieurs mois. L’affiche représente un Paris épique et festif, avec des milliers de personnages célébrant les Jeux Olympiques. C’était un projet extrêmement ambitieux, mais aussi très gratifiant. J’ai créé « la mythologie de Paris 2024 » pour les Jeux Olympiques. J’avais envie de quelque chose de grandiose, mais aussi festif et joyeux. Il y a plusieurs niveaux de lecture dans cette affiche. Cela permet de créer un univers riche et complexe, où chacun peut trouver son propre chemin et son propre récit.
Ton travail a été salué pour sa précision et son souci du détail. Est-ce que cette affiche est l’œuvre qui t’a demandé le plus de temps ?
L’affiche des JO de Paris 2024 a été l’un des projets les plus ambitieux. Mais je suis un habitué des projets longs ! Mais oui, j’y ai quand même passé 4 mois à temps plein, donc ce n'est pas rien !
As-tu eu des interactions ou des retours particulièrement significatifs du public lors de la révélation de ton affiche en mars dernier ?
Si on oublie la polémique (…) oui ! Les retours ont été très positifs, ce qui a été vraiment très gratifiant !
En quoi cette expérience de création diffère-t-elle de tes projets artistiques précédents ?
J'ai un peu hésité à accepter le projet pour un tas de raisons. Mais je ne regrette pas de d'avoir dit « oui ». Ce projet a demandé, comme les autres, beaucoup de temps et d’efforts. Mais celui-ci m’a permis de repousser un peu plus mes limites en tant qu'artiste.
Quels sont tes prochains projets ?
Je vais me reposer un peu pour commencer ! (rires) car je n’ai pas vraiment touché terre depuis quelques mois, et ça ne va sans doute pas s’arrêter avant le début des JO ! Ensuite, je pourrai me replonger dans mon projet Nebula !
Propos recueillis par Carole Cailloux