A la fois beau, épique et brutal, le nouveau film du réalisateur mexicain Alejandro G. Iñárritu est empli d’une froideur rarement vue au cinéma. Après avoir conquis Hollywood avec Birdman, Iñárritu a trouvé l’inspiration chez les pionniers américains des années 1820, adaptant le roman de Michael Punke, The Revenant.
Inspiré de faits réels, le film relate l’histoire d’Hugh Glass - joué par Leonardo DiCaprio - un trappeur attaqué par un ours dans une contrée sauvage d’Amérique après avoir été laissé pour mort par son équipier John Fitzgerald - Tom Hardy - mais il survit. Assoiffé de vengeance, il entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement des plus hostiles. À mi-chemin entre le thriller et le voyage initiatique, The Revenant est un conte glacial qui explore les instincts les plus primaires de l’être humain. Le film, qui est sorti sur nos écrans le 24 février, a remporté 3 des récompenses les plus prestigieuses des Golden Globes : meilleur film dramatique, meilleur réalisateur et meilleur acteur dans un film dramatique. Avec 12 nominations, le film est bien placé dans la course aux Oscars!
La légende d’Hugh Glass.
Depuis 2 siècles, la capacité d’Hugh Glass à repousser les limites de son corps et de son esprit a fait de lui une véritable légende. On sait peu de choses sur ses jeunes années, mais il semblerait qu’il ait été pirate. À 30 ans, il a pris la direction de l’Ouest et en 1823, et a participé à l’expédition du capitaine Andrew Henry pour explorer la rivière Missouri. C’est près de ce qui est aujourd’hui la ville de Lemmon, dans le Dakota du Sud, que Glass a été attaqué par un ours et abandonné par les hommes désignés pour rester auprès de lui, persuadés - à tort - qu’il ne survivrait pas. Hugh Glass n’a laissé aucun écrit derrière lui, à l’exception d’une lettre destinée aux parents d’un compagnon tué par les indiens Arikaras. Lorsqu’on a découvert qu’il avait survécu, son histoire s’est étalée dans tous les journaux. Depuis, plusieurs biographies et romans ont vu le jour, mais en 2002, Michael Punke a publié The Revenant, l’un des récits les plus approfondis et les plus documentés sur les événements.
Une atmosphère glauque.
Alors que The Revenant est peut-être l’un des films les plus inventifs et époustouflants ces dernières années, c’est aussi l’un des plus sombres. Le réalisateur entraîne les spectateurs vers des paysages à la fois hostiles et stériles, qui donnent au film un ton glacial très distinct qui se manifeste tout au long du récit, et créent un sentiment constant de peur. Iñárritu renforce cette atmosphère avec un éclairage ne comptant que sur le soleil et la lueur des flammes, sans apporter aucune lumière artificielle. Cette atmosphère sombre qui culmine lors de l’attaque de l’ours, élément phare du film, qui est rendue d’autant plus terrible par le silence du désert qui entoure Hugh Glass. Quand il hurle dans le vide, il comprend vite, ainsi que le spectateur, que personne ne viendra à son secours. Une scène que les âmes sensibles auront du mal à supporter…
Un véritable «calvaire» pour l’équipe du tournage.
Le tournage du film a été décrit comme un véritable «calvaire» par les acteurs et les techniciens, ce que le réalisateur lui-même ne dément pas : «J’ai appris qu’il n’y avait pas de mauvaises conditions climatiques, seulement de mauvais vêtements!». Les dangers étaient multiples : avalanches, attaques d’ours… Comme pour Hugh Glass dans le film, les conditions climatiques ont aussi représenté une menace sérieuse pour l’équipe. Il est arrivé que le blizzard fasse chuter les températures jusqu’à -27°C, obligeant les membres de la production à garder un œil les uns sur les autres pour éviter les engelures. «Cette expérience est l’une des plus difficiles que j’ai eu à vivre», a même déclaré Leonardo lors d’une conférence de presse à Paris. «La scène de l’attaque de l’ours a été incroyablement difficile et éprouvante à tourner, mais elle est profondément émouvante. Alejandro réussit à placer le public au plus près de l’action afin qu’il sente la respiration de Glass et le souffle de l’animal. Cette scène dépasse tout ce que j’ai pu voir. Glass doit trouver le moyen d’échapper à l’emprise de ce gigantesque animal, il est à deux doigts de la mort… et on est à ses côtés à chaque instant», ajoute-t-il.
DiCaprio pressenti pour un Oscar.
Leonardo aura-t-il finalement un Oscar? en effet l’acteur a longtemps été snobé par l’académie de la plus prestigieuse remises de prix américaines et ne compte que 4 nominations de meilleur acteur pour le second rôle de «Gilbert Grape», pour « Aviator», «Blood Diamond» et «Le Loup de Wall Street», et ce, alors qu’il a été dirigé par les plus grands metteurs en scène depuis plus de 20 ans. Mais pour la 88ème cérémonie qui se profile, il se pourrait bien que la réponse soit oui. La performance de l’acteur, qui a notamment été enterré sous la neige, a joué nu par -5°C et a sauté dans une rivière glaciale, a reçu un accueil chaleureux. «Il se passe immédiatement quelque chose lorsqu’il [Leonardo] apparaît devant la caméra, c’est comme s’il émanait de lui une force particulière. La manière dont a été tourné le film a exigé beaucoup de lui en termes de rythme, de timing, de souffle et de silence, mais il possède une telle présence que cela fonctionne» estime Iñárritu. The Hollywood Reporter prédit une statuette pour l’acteur :
«Il n’aurait pas pu faire mieux et il est désormais l’homme à battre dans la course aux Oscars. Sa performance presque silencieuse, avec les incroyables exigences physiques qu’elle a demandée, donne une sorte de Clint Eastwood». Pour gagner, Leonardo devra battre Bryan Cranston, Matt Damon, Michael Fassbender et Eddie Redmayne. Réponse le 28 février prochain...
Propos recueillis par Romain Fournier