C’est en 1993, dans la région de Nice qu’apparaissent les premières œuvres murales de Skio, lettrages vandales puis univers figuratifs et romantiques issus de sa culture pop et télévisuelle.
Aujourd’hui, les œuvres de Skio mêlent formes géométriques et représentations réalistes aux regards oblitérés et interrogent sur notre présence dans l’espace urbain en créant une nouvelle esthétique harmonieuse et moderne. Inspirées du surréalisme, ces œuvres possèdent leur propre univers cherchant un équilibre entre géométrie, anatomie et couleur en explorant la complexité du minimalisme. Profitant de l’expérience et de la maîtrise technique de son créateur, elles s’inscrivent en grands formats sur les murs des grandes villes, sur des toiles en atelier mais aussi dans l’espace grâce à des installations. On les retrouve depuis plus de 20 ans dans de nombreux festivals aux coins du monde (Paris, Londres, Mexico, Shanghai…). Skio est un artiste polyvalent, d’une curiosité intarissable, intéressé par la création sous toutes ses formes. Passionné d’image, c’est un artiste multi-talents, toujours à la recherche de nouvelles techniques de création. C’est ainsi qu’il navigue entre divers lieux et expressions artistiques : compositions numériques, dessin, graffiti, peinture, performances. Ses œuvres représentent un univers fantastique, mélange d’imagerie représentative à caractère chimérique.
Peux tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Nicolas Scauri, Skio est mon nom d’artiste, j’ai 41 ans, je suis originaire de Nice, je vis et travaille à Paris. J’ai une agence d’événementiel typée art urbain qui s’appelle Rio Fluo et dont je coordonne et conceptualise des événements pour les entreprises, l’organisation de festivals (et autres), autour du milieu de l’art urbain, cela pour aider les artistes issus de ce domaine, du graphisme, du graffiti et du street art.
Concernant mon parcours : j’ai commencé à dessiner et travailler à Nice ne sachant pas vraiment ce qu’était le graffiti. Je l’ai découvert en peignant sur les murs. J’ai ensuite continué à Toulon lorsque j’ai fait mes études et j‘ai rencontré d’autres artistes urbains, graffeurs, « vandales » et c’est là qu’on a commencé à peindre plus fort, sur les trains, sur les murs.
Une fois mes études terminées, je suis parti à Paris pour travailler en tant que graphiste freelance, jusqu’à créer ma propre agence événementielle d’art urbain, qui existe depuis une quinzaine d’années. Depuis 3 ans je développe un style que j’appelle « Human in the City » qui mélange ces visages oblitérés de leurs regards et qui se confrontent à des formes géométriques abstraites qui symbolisent l’architecture urbaine contemporaine.
Dans tes œuvres « Human in the city », le corps est toujours présent mais jamais en entier, quelle est ta démarche artistique ?
Le message et le concept sont d’enlever le regard qui est source de l’identité. Lorsqu’on regarde une personne pour savoir ce qu’elle pense, on regarde son regard, on sonde son âme. La question est : si on enlève le regard est-ce qu’elle perd son identité ? Ou est-ce que ce sont les gens qui regardent l’œuvre - qui vont mettre à leurs places leurs propres émotions ? Cela permet de poser la question : « pourquoi a-t-on enlevé le regard de ces visages là ? »
Quel message souhaites-tu faire passer
à travers tes œuvres ?
C’est plutôt un questionnement et un constat social, sociétal et architectural, qui est de se demander quelle est la place de l’homme dans l’espace urbain contemporain. Est-ce qu’il faut la rejeter, est-ce qu’il faut accepter de perdre un peu les liens avec les gens qui nous entourent et en même temps est-ce que c’est une nouvelle voie vers une nouvelle vie, une nouvelle esthétique ? C’est pour ça que dans mes toiles, je crée une nouvelle esthétique, l’être humain et des formes géométriques qui n’ont rien à voir avec un organisme, ce qui rends l’œuvre assez froide.
En même temps on voit dans l’esthétisme de certaines personnes, dans leurs maquillages, leurs styles vestimentaires par exemple, le digital entrer, tout ce qu’on possède comme objet commence à devenir des carrés comme les télés, les téléphones et autres.
On porte sur nous des tas d’objets géométriques, dont le message est : « Comment apprivoiser toutes ces nouvelles choses géométriques et froides ? Comment vivre dans cet univers fait de toutes ces formes. »
Tes sources d’inspiration :
Ayant fait des études de design, j’ai un amour pour le Bauhaus, le travail sur la forme géométrique et la fonctionnalité des formes.
La forme suit la fonction, c’est une des baseline du Bauhaus, ça a permis de créer une nouvelle esthétique simplifiée, dans les objets, l’architecture ou le graphisme. Je suis aussi inspiré par le travail du photographe Jean-Paul Goude, qui a retravaillé l’image, l’esthétique de la femme, pour les allonger, les casser et créer une géométrie dans ses photos.
Il y a aussi le surréaliste de Dali qui est très puissant. Après, il y a aussi la musique, j’écoute beaucoup les Pink Floyd.
Tes futurs projets :
Je démarre une exposition collective à Paris à partir du 19 décembre, avec des artistes internationaux de renom, à la galerie Goldshteyn Saatort à côté de la maison de Gainsbourg, rue de Verneuil, dans le 7ème arrondissement.
À cette occasion je vais aussi mettre en vente un nouveau NFT, une oeuvre digitale, sous la forme d’une animation en 3D de l’une de mes œuvres. On va essayer d’en proposer une tous les mois.
Ensuite, j’ai une grande fresque à faire pour la ville de Saint-Ouen et le stade Bauer. Une fresque qui fera 60 mètres de long.
En 2022, j’ai une autre exposition collective avec 2 artistes que j’aime beaucoup : Vermibus, qui est belge, et Findac qui est anglais, dans une galerie de Dusseldorf qui s’appelle Pretty Portal.
Et puis j’ai des commandes de toiles en direct avec des particuliers.
D’autres projets de fresques sont encore à valider. J‘aimerais bien me mettre sur des pièces en volume réel, de la sculpture et plein d’autres choses, si j’ai le temps de tout réaliser !
Quelle est ta vision du Street-Art ?
Aujourd’hui j’ai un peu de mal à la cerner, l’art urbain en général est très interessant car il est en pleine mutation. On a commencé sans internet quand on était petit, on cherchait la reconnaissance de nos pairs, pas forcément celle du public, c’était un peu un sport extrême pour nous. Ensuite les moeurs ont évolué, on a grandit, on s’est inspiré d’autres et on a développé nos techniques.
On s’est confronté au public avec des fresques légales, donc on était très contents de ça. Les lettrages et les personnages ont commencé à faire leurs apparitions et depuis que l’art urbain s’est développé, qu’on l’appelle le Street-Art, le grand public et les galeries s’y sont intéressés. Il y a quelque chose d’étrange et aussi d’embarrassant pour certains, qui ont du mal à accepter les street artistes qui ne sont pas passés par la case vandalisme et le graffiti - et qui exposent néenmoins dans la rue et dans les galeries.
En fait, il y a une petite guerre froide entre graffeurs purs et durs et street artistes de la nouvelle génération.
Moi arrivant de Nice à Paris, à la période où tout à commencé à changer, j’étais tellement content de voir qu’il y avait d’autres sensibilités qui s’attachaient à créer dans la rue; des architectes faisaient des abstractions en collages ou des photographes, il y avait auusi JR en tant que grand représentant, des illustrateurs…
Je trouve que le Street-Art aujourd’hui est très varié, j’aime ce côté-là, et d’un autre côté je suis assez nostalgique de l’époque où il n’y avait pas l’aspect marketing, de consumérisme dans l’art urbain.
Quand ça a commencé à plaire, que les galeries et la publicité ont commencé à vraiment s’y intéresser, il y a pas mal de gens qui ont chercher à créer des concepts de street art, de ne faire qu’une seule chose et de la montrer tout le temps. Ces personnes ont en fait arrêté de développer des concepts artistiques.
J’ai peur de l’appauvrissement du Street-Art au niveau de la technique et de la recherche artistique aussi bien dans le fond que dans la forme.
À part ça, je suis très heureux que des artistes puissent vivre de leurs arts, car j’en fais partie ! Et je suis sûr qu’il y a plein d’artistes qui vont arriver avec encore plein d’autres idées. Beaucoup de choses ont été faites, il y a une certaine saturation, les gens vont peut être moins aimer l’art urbain. Mais au final il reste les amoureux de ce mouvement là et les artistes qui peuvent vivre de leur art. Ce qui est assez frappant dans ce milieu c’est que c’est l’un des seuls où de jeunes artistes commencent à vivre plutôt bien de leur art, ce n’est pas le cas de tous !
Propos recueillis par Marie Desbrosses