Que raconte le film "Pauvres Créatures" de Yórgos Lánthimos ?

Une revisite féminine de Frankenstein

Cinéma

Drame, Science-fiction, Fantastique, Romantique

Adaptation du roman éponyme de l’écrivain écossais Alasdair Gray, l'histoire de Bella Baxter, une femme partant de zéro et qui à tout à apprendre, est enfin retranscrite sur grands écrans. Le film qui a déjà raflé un Lion d'or à la Mostra de Venise cet automne, est l’un des plus attendus de ce début d’année 2024 et laisse entrevoir un nouveau bijou du septième art et de l’interprétation cinématographique.

Avec des décors énigmatiques à la colorimétrie intrigante, Yórgos Lánthimos pousse le spectateur à réfléchir à travers l’étrangeté de son nouveau film. L’utilisation du fish-eye et des tons monochromes nous font ressentir les émotions de cette tout juste née. Certaines critiques décrivent même l'univers esthétique du long-métrage comme un entre-deux de Tim Burton et Jean-Pierre Jeunet.

Pauvres Créatures signe le grand retour du réalisateur aux multiples talents, Yórgos Lánthimos. Après son film La Favorite sorti en 2019, le cinéaste nous plonge cette fois-ci dans le Londres du XIXe siècle, époque charnière de l’innovation et des avancées scientifiques. Le long métrage conte l’histoire de Bella Baxter, une jeune femme ramenée à la vie par un docteur non conformiste.

Désireuse de découvrir le monde dont elle ignore tout, elle s'enfuit avec Duncan Wedderburn, un avocat habile et débauché, et embarque pour une odyssée étourdissante à travers les continents. Le scénario n’est d’ailleurs pas sans rappeler le chef-d'œuvre littéraire de Mary Shelley, Frankenstein, paru en 1818.

“Être en vie est fascinant”

Pauvres Créatures est aussi une ode au féminisme. Bella apparaît comme un personnage candide vivant envers les conventions sexistes de l’époque victorienne où la place des femmes ne côtoie pas les principes fondamentaux d’égalité et de libération : Portrait d’une héroïne qui dirige sa vie selon ses envies et son besoin d’expérimenter le monde qui l’entoure.

Tout au long du film, Bella se forge et évolue au gré des rencontres et expériences, comme une émancipation bien ancrée dans la société actuelle : « L'histoire du film est peut-être plus pertinente aujourd'hui qu’au moment où nous avons commencé à l'écrire. L'idée du patriarcat et des jeunes femmes qui se libèrent de leur condition d'objet a pris une ampleur nouvelle dans la société. J'espère que cela transparaît dans le film », expliquait le réalisateur à Radio France.

À la tête du rôle principal, l’actrice que l’on ne présente plus, Emma Stone, incarne de manière triomphale son personnage si singulier. L’actrice explique que jouer une femme qui doit réapprendre à marcher, à manger, ou bien, à danser, était un défi. La lauréate d’un Oscar pour La La Land livre ici sa propre interprétation complexe dans une réalité nouvelle : “Je pense que Bella est la femme la plus libre que je n’ai jamais joué parce que son émancipation est dû au fait qu’elle ne connaît rien d’autre.

On peut être très libre si on va au-delà de ce que l’on connaît, que l’on choisit d’être qui on veut.” s’exprimait-elle dans l’émission Quotidien. À ses côtés, on retrouve Mark Ruffalo, son amant désabusé et Willem Dafoe en savant fou au visage déformé. Une transformation physique qui nécessitait d’ailleurs près de 6 heures de maquillage chaque jour. L’acteur déclarait au magazine Variety : “Je me présentais à trois heures du matin, quand le reste de l'équipe avait rendez-vous à sept heures. Je m'asseyais sur une chaise, je méditais en tentant de rester immobile".

Derrière son excentricité, Pauvres Créatures nous ensorcellent grâce à une adaptation riche en divertissement et messages forts. Comme au sommet de leurs arts respectifs, Yórgos Lánthimos et Emma Stone nous invitent à tout vivre, “tout expérimenter, pas seulement le bien, mais aussi la dégradation. L'horreur. La tristesse. C'est alors que nous pouvons connaître le monde. Et lorsque nous connaissons le monde, le monde nous appartient. C'est ce qui nous rend entiers.”

Avant même sa sortie, le film a été déjà récompensé une première fois par un Lion d'or lors du Mostra de Venise 2023.

Lors des Golden Globes 2024, le film a reçu le prix du meilleur film comédie. Emma Stone est aussi montée sur scène pour recevoir son deuxième Golden Globe de la meilleure actrice dans un film musical ou comédie.

Pauvres Créatures de Yórgos Lánthimos, en salle le 17 janvier 2024.