Propos reccueillis par Aurore de Granier
Niché dans le village du Pré derrière de Villaroger, au coeur de la vallée Tarentaise résolument ancrée dans les traditions savoyardes, le Minéral Lodge est un chalet unique en son genre, mêlant architecture locale et création contemporaine. L’Atelier d’Architecture Christian Girard, à la tête du projet, s’est attelé à la création d’un chalet portant en lui les codes traditionnels de l’architecture locale, tout en y insufflant un caractère contemporain. Le résultat est alors celui d’un lieu unique, mêlant le passé et le présent, dans une demeure aussi atypique que merveilleuse. Rencontre avec Christian Girard, l’architecte qui a pensé cette demeure à la croisée des époques.
Quelle est l’histoire du projet du chalet Minéral Lodge ? Il me semble qu’il s’agit d’un bâtiment préexistant que vous avez transformé ?
En site protégé, à la lisière d’un magnifique hameau de la Tarentaise resté quasiment inchangé depuis des lustres, il s’agissait d’édifier un chalet neuf dans le périmètre d’une ruine en pierre mitoyenne d’une habitation propriété de la famille du maître d’ouvrage. Tout l’enjeu fut d’offrir d’amples volumes avec des cadrages précis sur le paysage Alpin en restant à distance de ce mur. Au rez-de-chaussée, dans la salle à manger, on se sent protégé par cet enclos de pierre ajouré par quelques fenêtres préexistantes. Dès le premier étage on a le sentiment de flotter à la fois dans le paysage lointain et presque dans le volume triple hauteur dégagé au-dessus de la cuisine. Voilà tout simplement, mais après quatre ans d’effort tout de même, comment naît une architecture singulière qui respecte et valorise son lieu d’apparition.
Comment avez-vous réussi à combiner des éléments d’architecture contemporaine à une structure déjà présente, elle résolument traditionnelle ?
Le thème de la construction neuve à enchâsser dans les vestiges de murs anciens est bien plus fréquent, de nos jours, qu’on ne le pense. C’est presque un contexte de projet idéal, où l’architecte est sommé de faire acte de créativité, de jouer la partition mémoire/présent, d’articuler avec finesse ce qui fut là avec ce qui sera. Nous avons réalisé une haute faille verticale pour adjoindre au projet neuf une partie de la maison mitoyenne où nous avons placé deux chambres ainsi que la chaufferie (pompe à chaleur et géothermie). La grande boite habillée de bois en projection au-desssus du vide se veut en écho aux greniers en encorbellements encore présents ici et là dans les vieilles habitations rurales agricoles de la région. Une sorte d’hommage au passé et une façon d’insister pour que ces greniers ne soient pas tous détruits.
La pierre est l’un des matériaux principaux de ce chalet, qu’est-ce qui a décidé de ce choix ?
Les murs périmétriques en pierre locale ont guidé ce réemploi de la pierre pour habiller les parois de l’escalier. Notez que nous avons réalisé l’ensemble du chalet en béton, structure de la toiture comprise, je dirai donc plutôt que le béton armé en devient le matériau principal.
L’intérieur du bâtiment est également résolument contemporain, souhaitiez-vous avec ce projet faire une véritable proposition d’un chalet du futur aux normes nouvelles ? Je pense notamment aux baies vitrées et au choix de réaliser de grands volumes.
Non, il n’y absolument aucune recherche de « futur » ici. L’ouverture de l’habitat domestique aux vues, au ciel, aux paysages date de la modernité, c’est-à-dire d’un siècle au moins. L’architecture dite Moderne à laquelle a succédé vers 1976 l’architecture Post-moderne, nous a légué ces normes de confort en même temps qu’évoluaient les techniques constructives et aussi les modes de vie. Faute de mieux, on parle « d’architecture contemporaine » pour évoquer le meilleur de ce qui se réalise avec une vision actuelle, du XXIème siècle, sans nostalgie poussive de l’ancien, du révolu, de la naphtaline. Offrir de l’espace, si possible généreux, est quand même le minimum à espérer de l’architecture, c’est quasi sa raison d’être, sinon vous n’avez que de la construction. La nuance reste délicate à faire comprendre et demande j’en conviens, quelque culture. Ici, le maître d’ouvrage l’avait déjà, il a opté pour l’audace, la prise de risque et en cela, moi-même et Christophe Hebert, alors architecte chef de projet à mon agence, nous étions parfaitement accordés. D’où ce Mineral Lodge.
L’architecture contemporaine se fait relativement rare dans les Alpes françaises, comment le projet a-t-il été accueilli par la commune, et ses habitants ?
Si je vous dis que le maître d’ouvrage est devenu peu après cette réalisation le maire du village vous avez une partie de la réponse. Au départ des interrogations ont sans doute été formulées. L’appui, à l’époque du projet, de l’ABF architecte-conseil des villages concernés a été vraiment décisif. C’est par lui que j’ai entendu pour la première fois le terme de « courchevelite » cette maladie des faux vieux chalets en toc et coûteux qui ravagent les paysages alpins français alors que de l’autre côté de la frontière les maîtres d’ouvrage privés produisent, avec des architectes éclairés, d’excellentes réalisations contemporaines. La France a hélas l’architecture qu’elle mérite; la faiblesse de l’enseignement de l’architecture ici y est pour quelque chose, j’ai eu l’occasion de l’éprouver en interne; ceci est une toute autre histoire… ou la même.