Jean-Philippe Nataf (dit JP) et Jean-Christophe Urbain (dit Jean-Chri) ont renoué Les Innocents quinze ans après la séparation du groupe. Leur nouvelle amitié musicale a donné naissance à un album Mandarine et à une tournée. JP Nataf ne boude pas son plaisir…
Qu’avez-vous fait ces quinze dernières années ?
Plein de choses… Deux albums solo, un album de reprises avec des copains, j’ai joué de la guitare et de la percussion pour d’autres, j’ai participé à une comédie musicale, j’ai fait de la réalisation artistique. Je n’ai vraiment pas chômé !
Ça vous fait quoi de revoir vos anciens clips ?
C’est rigolo, c’est comme regarder une vieille photo. Ce qui est marrant, c’est de voir nos tronches. Quant aux chansons, ce n’est pas comme si on avait ouvert une malle et qu’on les redécouvrait. On continue à les jouer depuis deux ans mais on les réinvente un peu à chaque fois. Ce sont nos bébés, on les a fabriqués.
Vous prenez autant de plaisir à les interpréter ?
Il y a quatre-cinq ans en arrière, on caressait l’idée de se reformer, parce qu’on s’entend bien, qu’on aime jouer ensemble. En même temps, on se disait que ce serait peut-être une tannée de chanter Un autre Finistère. On était plutôt sur l’idée de sortir un disque avec de nouveaux titres. Puis on s’est vite rendu compte que les plaisirs s’ajoutaient les uns aux autres quand on interprétait des chansons toute fraîches, puis nos préférées du répertoire - qui ne sont pas forcément les plus connues - et aussi les tubes, qui remuent les gens et nous aussi. C’est drôle de voir que des chansons écrites il y a vingt ans ont encore ce pouvoir-là.
Lorsque vous avez retrouvé Jean-Christophe, quels ont été vos premiers mots ?
Notre ancienne maison de disques sortait une compilation de nos albums. La première rencontre s’est déroulée dans un bureau avec plein de monde. Il ne s’est rien passé de spectaculaire ce jour-là. On s’est vraiment retrouvés à Londres, trois semaines après. La journée, on a bossé et le soir, on est allé boire des coups dans un pub. On ne s’était pas vus depuis deux ans, on avait plein de trucs à se raconter. On était heureux de se revoir, les choses étaient digérées. J’avais été marri de son départ, je lui en ai voulu un moment. Ensuite, je me suis reconstruit autrement. C’était le bon timing, je n’avais plus d’état d’âme par rapport à cet épisode. Le début d’une amitié a pris le pas.
Tous les titres sont chantés en duo, pourquoi ?
C’est un plaisir d’interpréter les chansons ensemble parce qu’on les a composées à deux. Ce sont nos petits meubles, on les a façonnés, bichonnés. Quitte à se retrouver, on avait vraiment envie que ce soit la reformation du plaisir. L’idée était de sceller nos retrouvailles, le bonheur de jouer ensemble. Aujourd’hui, il n’y a plus de querelles d’ego.
Pourquoi Mandarine ?
Parce qu’il faut bien trouver des titres aux albums ! Plus sérieusement, c’est quelque chose qui arrive à la fin. On en a essayé plusieurs. J’aime que les chansons gardent leur mystère, qu’on n’imagine pas forcément qu’il y ait une thématique lyrique derrière. Un titre ne doit pas être trop réducteur, il ne doit pas en raconter trop. Mandarine est un nom assez pop et graphiquement, il est plutôt joli. J’ai toujours bien aimé la façon dont les titres étaient écrits sur les pochettes. On fait davantage une musique de sensation qu’une musique du sens ou d’intélect. Avec Mandarine, il y a une couleur, une odeur, un goût. Ce sont des sensations assez complémentaires de celles qu’on essaie de susciter avec notre musique. J’aime l’idée qu’une chanson passe en bruit de fond dans le quotidien des gens, de façon discrète. En plus, Mandarine est quasiment l’un des derniers mots de l’album, c’est un peu le générique de fin.
Racontez-nous le premier concert de votre duo...
Début 2013, un ami canadien nous a monté deux dates de « chauffage », comme on dit, dans un petit bar à Montréal. C’était assez dingue. Le concert a eu lieu dans des conditions intimes, devant une centaine de personnes. J’allais au Québec pour d’autres motifs, j’ai embarqué Jean-Chri et on a passé une semaine vraiment chouette. On n’avait pas trop de pression, sans les copains, la famille ou les médias. C’était la réalité : nous et le public.
Vous êtes-vous bonifié avec l’âge ?
Oui bien sûr, comme les vins. C’est difficile de se juger soi-même mais en tout cas, notre relation s’est bonifiée et notre envie de bien faire est restée intacte. De notre point de vue, on est heureux de se retrouver, de l’énergie qu’on a eue pour sortir un nouveau disque, pour monter sur scène. Est-ce que c’est mieux ? Je ne sais pas. Mais on fait en sorte que ce ne soit pas pire !
Propos recueillis par Nathalie Truche