Heure sup’ non payée. Présence sur tous les fronts, salaire minimum et parfois harcèlement des employeurs… Être nounou, ce n'est pas facile tous les jours. “Les Femmes du Square” rend hommage à ces magiciennes, essentielles dans notre quotidien. À l’occasion de son arrivée en salle ce mercredi, rencontre avec le réalisateur Julien Rambaldi et l’actrice Eye Haidara qui joue Angèle, une nounou culottée et bien motivée à prendre les choses en main.
Je voulais faire un film “populaire”, solaire, lumineux. Je trouve que le cinéma est devenu très réaliste, surtout le cinéma social.
On peut lire dans le générique le nom de votre fils et de sa nounou. Ce film est né d’une expérience personnelle ?
Julien Rambaldi - Oui, carrément. C’est parti de mon fils de 8 ans, quand il m’a parlé d’Amina, la femme qui le gardait. Ça m’a intrigué que mon fils soit plus connecté à cette femme que moi, de plus sur des sujets importants. J’ai voulu comprendre un peu ce monde-là. Ces femmes sont primordiales : elles permettent aux parents de travailler, se sacrifiant même parfois en laissant leurs enfants au pays pour venir ici. L’idée, c’était de raconter deux mondes qui ne se connaissent pas, mais qui ont un point commun : les enfants.
Qu’est-ce qui vous a interpellé dans ce scénario ?
Eye Haïdara - C’est d’abord l’histoire. Ce que ça raconte. Ces femmes qu’on n'a pas l'habitude de regarder, de mettre au centre. Ça m’a parlé. Puis le personnage d’Angèle aussi, qui est haut en couleur. Elle a ce refus très fort de l’injustice. C’est une personne très culottée, elle n'a pas peur d’aller au front.
Les Femmes du Square, malgré son sujet, reste un film léger voire divertissant...
JR - C’est l’autre ADN de ce film. Oui, le sujet est important. Pour autant, je voulais faire un film “populaire”, solaire, lumineux. Je trouve que le cinéma est devenu très réaliste, surtout le cinéma social. On essaye de ne pas mentir, d’être au plus juste. C’est super, mais j'aime bien aussi divertir, emmener le public par la porte du divertissement pour réfléchir. Le personnage d'Angèle n’est pas tout à fait réaliste, il est fantasmé. À l’écriture, j’aimerais bien être comme elle, avoir cette liberté d’expression.
Le cinéma permet de vivre plusieurs vies.
Vous songiez à devenir juriste avant d'être comédienne. Dans la série “En thérapie”, vous interprêtez Inès, une avocate célibataire… Comment cela a pu vous influencer pour jouer le personnage d’Angèle ?
EH - (rire) Effectivement, j’ai voulu être juge pour enfant. C’était lié à plein de lectures ou des films. Finalement, c’est peut-être quelque chose qui apparaît en moi et qui a donné envie aux réalisateurs de me proposer ce genre de film. En tous cas, le cinéma permet de vivre plusieurs vies. Le fait d’aller vers ces rôles-là, c’est comme un assouvissement.
Quelles ont été vos inspirations pour incarner Angèle ?
EH - On a eu des discussions avec Julien, en amont, sur ce sujet. Il m’a parlé de Gloria dans le film de John Cassavetes. Et surtout, il m’a parlé d’Erin Brockovich de Steven Soderbergh, que je connais par cœur. Je suis d’ailleurs très très fan de Julia Roberts (qui joue le rôle). J’ai compris le ton tout de suite.
JR - Voilà, celui d’une femme qui aime rentrer dedans quoi…
EH - Une femme qui aime bien taper dans les portes et quand ça ne s'ouvre pas, passer par la fenêtre.
Durant le film, Angèle dit à Arthur : “On ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie”. Comment interprétez-vous cette citation ?
JR - Il faut accepter les difficultés de la vie. On se les prend dans la poire, mais il faut passer au-dessus, vivre avec. C’est ça qui permet de grandir aussi. Des êtres humains sont cassés, bloqués parce qu’ils n’arrivent pas à s’adapter aux situations qu’ils rencontrent. Je crois que l'acceptation est essentielle pour avancer et grandir.
EH - Ils grandissent ensemble. Dire ça, c’est aussi un aveu pour Angèle, une femme extrêmement audacieuse. De prime abord, on a l’impression qu’elle fait ce qu’elle veut. Mais non, Arthur lui fait avouer le contraire : on ne fait pas ce qu’on veut dans la vie.
JR - Angèle a un tel tempérament qu’elle pense tout réussir facilement. Mais la femme se perd. L’enfant la recadre en fait. Et quand Angèle lui dit cette phrase, elle se parle aussi à elle-même.
Tout comme dans une relation nounou-enfant, une solidarité se développe entre Angèle et Arthur, le garçon qu’elle garde…
EH - C’est une relation assez fusionnelle. Ils sont tous les deux à des carrefours un peu instables de leur vie : lui vit le divorce de ses parents. Elle est dans la mouise de par sa grande gueule : Angèle se cache dans un appart parisien pour faire un métier qu’elle ne souhaite pas du tout. Et Arthur la pousse dans ses retranchements. C’est un petit garçon qui a besoin d’entendre les choses, qu’on le fasse grandir. Les deux ont besoin l’un de l’autre. Et surtout, ils ont besoin d’amour.
Propos recueillis par Mia Pérou