Auteure, compositrice, interprète de 23 ans, Leïla Huissoud imbibe ses textes et sa musique d’une tendre audace. Auguste, son deuxième album, se veut une joyeuse pagaille constellée d’une grinçante autodérision.
À quand remonte votre soif de chanter et d’écrire ?
La chanson et la musique viennent de ma passion de la fête avec les copains, la famille. Mon père joue de la guitare, ma mère danse, mes sœurs chantent. Quant à l’écriture, c’est un chemin personnel plus compliqué. À ma dyslexie s’est ajouté un problème de bégaiement. Plus jeune, je n’arrivais ni à écrire, ni à m’exprimer comme je le voulais. Ça me frustrait parce qu’on avait plein de bouquins à la maison que je n’arrivais pas à lire jusqu’au bout. La découverte de recueils de poèmes m’a réconciliée avec la lecture. Je pouvais lire une page, ressentir une émotion, refermer le livre puis le rouvrir, lire une autre page puis refermer le recueil. Je me suis alors mise à écrire de la poésie. C’est comme ça que tout a commencé.
Vous avez chanté dans la rue ?
Je suis du genre à me lancer des défis sans être vraiment téméraire. J’avais cette envie depuis longtemps mais je voulais le faire dans un endroit où je n’étais connue de personne. Je viens du nord-Isère et après mon Bac, j’ai poursuivi mes études à Strasbourg. Dès mon arrivée, je me suis postée devant la cathédrale et je déclamais des poèmes, des bouts textes. Ce n’était pas vraiment des chansons. Les gens étaient sympas, l’expérience pas désagréable, alors j’ai continué tous les jeudis pendant trois mois.
La chanson anglo-saxonne, c’est votre tasse de thé ?
Elle ne me provoque pas le même ressenti que la chanson française. Si son texte est beau, quelqu’un qui chante faux en français avec une guitare mal accordée peut me créer des émotions, me faire pleurer ! Avec l’anglais, c’est un peu comme si j’écoutais un morceau instrumental. J’essaie de m’éduquer, de me faire des séances d’écoute car je ne veux pas ignorer la richesse musicale que ça peut m’apporter.
Que retenez-vous de votre passage à The Voice en 2014 ?
De ma part, un certain je-m’en-foutisme assez insolent. J’ai atterri là-bas sans connaître l’émission. Quand on m’a proposé d’y participer, je jouais dans la rue, je savais à peine gratter une guitare, je ne connaissais pas Paris. Mais j’avais des envies de découverte, alors j’ai dit oui et j’en suis très heureuse. Quand on a 17 ans, tout est fou. Bien sûr, il y a une mise en scène pour créer de l’émotion, des battements de cœur mais j’ai aimé rencontrer des gens passionnés et talentueux. Mais je voulais faire de la musique, pas de la télé. Je me suis aussi rendu compte que les fortes montées et descentes d’adrénaline ne sont pas faites pour moi. J’aimerais mener une carrière plus apaisée, sans trop subir les effets de la notoriété.
Je me suis alors mise à écrire de la poésie. C’est comme ça que tout a commencé
Présentez-nous Auguste…
Ce deuxième album comprend douze chansons qui rentrent dans le cadre d’un personnage qui me fascine : Auguste, le clown au nez rouge. C’est un hommage taquin à mon grand-père qui m’a beaucoup emmenée au cirque. L’ombre, mon premier album, était très premier degré, avec des choses dures, torturées, noires. Il correspondait à mon adolescence alors qu’Auguste ressemble plus à qui je suis aujourd’hui. Je me suis un peu trouvée, j’ai fait des choix. Il y a un côté femme qui n’existait pas auparavant.
En quoi votre chanson La farce reflète l’univers de l’album ?
Car elle est fouillis, part dans tous les sens. Au niveau musique, le refrain bancal balaie un peu tout ce qu’il y a sur l’album. Quant au texte, c’est un pied de nez aux artistes engagés qui souvent m’énervent. Je n’ai pas envie de m’inscrire dans cette lignée. Le morceau est décalé, détourné, avec l’insolence qui me caractérise. En partant en cacahuète, cette chanson ouvre plein de possibilités, d’ouvertures à ceux qui l’écoutent. On peut la voir comme un coup de gueule ou comme une farce. Se sentir agresser ou en rire. J’aime cette ambivalence.
Le titre « La chianteuse », c’est vous ?
Oui et j’assume. Il y a de la misogynie dans mon métier comme dans plein d’autres. J’aurais pu faire une chanson en colère sur ces filles qu’on veut mettre à l’écart mais au contraire, j’ai préféré traiter le sujet par le ridicule, en jouant un personnage de grogneuse, ronchon, pleureuse. C’est tellement caricatural que personne n’y croit.
Vous chantez Lettre à la Suisse. Quel lien entretenez-vous avec ce pays ?
Mon éducation m’a donné des idées reçues, des clichés sur ce pays. Lorsque j’y suis allée pour participer à un festival, j’ai rencontré des personnes formidables. À croire que tous ces gens fabuleux s’étaient réunis pour ma première visite en Suisse ! J’ignorais qu’il y avait un nid d’artistes aussi talentueux. J’y ai passé un an. J’aurais aimé rester davantage mais ça n’a pas été possible. Alors j’ai eu envie d’écrire sur ce pays que j’adore.
Propos recueillis par Nathalie Truche