À quelques semaines de la présentation du dernier opus de la trilogie Tudors proposée par le Grand Théâtre, nous avons échangé avec la metteuse en scène de ce projet d’envergure, Mariame Clément.
Quelle est la genèse de ce projet ?
J’ai été contacté il y a environ cinq ans par le directeur du Grand Théâtre de Genève, Aviel Cahn. Nous avions déjà collaboré par le passé, et il souhaitait me confier la mise en scène de cette trilogie. Il faut préciser que nous parlons ici de trilogie, mais en réalité ces trois opéras ont été écrits de manière indépendante par le compositeur Gaetano Donizetti. Nous avons décidé de les réunir et de les présenter sous forme de triptyque car ils présentent en partie des personnages similaires à différentes périodes de leur vie, et sur deux générations, ce qui est relativement rare en opéra. Le projet démarrait cinq ans plus tôt comme je l’expliquais, et en mai de cette année nous présenterons pour la première fois son dernier opus, Roberto Devereux.
Quelle est l’histoire portée par cette trilogie ?
C’est en quelque sorte un fantasme de la grande Histoire, et une histoire de pouvoir. À l’époque où l’opéra a été écrit, dans les années 1830, il y avait une véritable fascination pour la dynastie Tudors. Un monde de violence, où s’entrelaçaient aussi des histoires d’amour, des trahisons, des rivalités.
C’est un univers qui continue de fasciner comme le démontrent les productions audiovisuelles actuelles. Et pour cause, cette dynastie porte en elle une Histoire sombre, c’est en quelque sorte une tragédie en elle-même, qui gravite notamment autour du personnage qu’était la reine Elizabeth Ière. Le premier livret d’opéra que nous avons présenté, Anna Bolena, raconte l’histoire de sa mère de son enfance. Dans cet opéra, nous avons fait le choix d’ajouter une figurante campant le rôle d’Elizabeth enfant, alors que le drame qui attend sa mère se prépare : sa condamnation à mort par son époux, le roi Henri VIII. Le deuxième volet, Maria Stuarda, nous présente Elizabeth Ière, devenue reine.
Cet opéra nous raconte sa rivalité avec Mary Stuart, qui là aussi se terminera en drame. Enfin, nous terminons cette année en présentant Roberto Devereux, qui nous raconte la fin de la vie d’Elizabeth Ière, où le drame tient une nouvelle fois une place de choix.
Vous parlez d’histoire, mais peut-on dire que cette trilogie a une valeur quant à sa véracité historique ?
Non, la trilogie Tudors raconte une histoire inspirée de cette dynastie. Comme je le disais, c’est une période qui a fait naître beaucoup de fantasmes et a fait travailler l’imaginaire de nombreux écrivains. Nous ne sommes pas là pour raconter l’Histoire avec un grand H, mais pour faire vivre un opéra, des personnages, raconter une histoire imaginaire.
Du point de vue de la mise en scène, quelles étaient les spécificités liées à un tel projet ?
Cette trilogie est une occasion rare de faire évoluer des personnages dans le temps. Le contexte reste le même, mais nous voulions, Julia Hansen (ndlr scénographe et costumière pour la trilogie) et moi-même, créer des différences entre les trois opéras tout en les gardant liés. Les décors et les costumes ont joué un rôle important dans ce projet. De plus, les chanteuses et chanteurs lyriques d’exception qui endossent ces rôles ont l’opportunité rare de faire grandir leur personnage, de les accompagner au fil de leur vie. Je pense que c’est ici que réside la magie de ce projet, et je me réjouis de la partager avec le public cet été.