Générations. Tel est le titre du nouvel ouvrage sorti aux éditions La Relève et La Peste cet automne. Un livre qui se penche sur cette jeune génération qui quitte tout pour se réinventer, prenant les choses en main face à la désillusion d’une époque. Décryptage d’un phénomène.
C’est une tendance qui s’observe depuis maintenant plusieurs années. À peine diplômés, tout juste arrivés sur le marché du travail, de plus en plus de jeunes actifs font le choix d’une reconversion, décidant de se réorienter vers une profession manuelle. Une mouvance sociale décryptée par l’ouvrage Générations des éditions La Relève et La Peste, qui vient mettre en lumière ce phénomène de plus en plus courant. Réunissant les témoignages de jeunes de diverses origines sociales, la publication démontre par l’exemple que la nouvelle génération d’actifs n’est plus prête à se plier aux anciennes règles. Cette tendance se retrouve à la fois chez la Gen Z, les moins de 25 ans, et les Millenials, âgés entre 25 et 35 ans. Deux tranches de la population qui ne se retrouvent plus dans les anciennes valeurs de la société, et refusent l’adage vivre pour travailler, préférant travailler pour vivre. Mais alors ces diplômés qui refusent de se conformer aux métiers du corporate et se reconvertissent vers des emplois manuels, qui sont-ils ? En réalité, ils sont issus de toutes les branches. Ecole de commerce, études de marketing, de communication, maîtrise en sciences politiques, aucune branche ne semble échapper à ce dégoût général qui mène au changement de voie.
« Quel que soit le type de parcours, le dénominateur commun est la déception », rapporte Pierre Lamblin, qui dirige le département études de l’APEC, et qui a enquêté sur le sujet. Les chiffres parlent pour eux-mêmes : en 2022 34% des 18-24 ans ont opté pour une reconversion, pour 25% chez les 25-34 ans.
Une désillusion commune et grandissante qui mène de plus en plus de jeunes à opter pour un revirement à 180°, quittant les mondes de l’industrie, de la politique, de la communication, pour retourner à des professions faisant avant tout appel à l’usage de leurs mains. En effet, 51% des jeunes concernés par ces études ont opté pour une reprise des études, ou un apprentissage, leur permettant de se spécialiser dans un métier manuel, de boucher à fleuriste en passant par menuisier. Mais alors, par quel phénomène ces reconversions en nombre sont-elles poussées ? Pour Claude Fournier, chercheur au centre de recherche sur l’économie en mutation à l’université du Littoral-Côte d’Opale, « Il ne faut pas sous-estimer l’impact de la gestion, souvent calamiteuse, des cadres dans les entreprises, qui consiste à considérer que ces personnels ne sont que de simples exécutants ou des citrons à presser ». Ces propos rejoignent les témoignages que nous avions recueillis dans un article récemment publié portant sur la Gen Z en quête d’un quotidien où la contrainte et le malheur au travail ne sont pas la norme. Au centre de tout se trouve également la question de la gratification, comme le résume l’ouvrage publié chez La Relève et La Peste, « {Cette} tendance à la rupture traduit un malaise général face au travail chez les jeunes diplômés, qui peinent à trouver du sens à leur quotidien. Ils sont ainsi des milliers chaque année à mettre leur diplôme de grande école au placard pour se tourner vers un métier manuel. Souvent guidés par une passion d’enfance, mise de côté pour les études, ils espèrent trouver plus de gratification dans une condition plus simple. Derrière ces décisions, il y a en effet une désillusion caractéristique de cette génération : le sentiment de ‘ne pas se sentir à sa place’ dans un grand groupe, le ras-le-bol face à un ‘patron tyrannique’ ou un ‘travail qui n’a aucun sens’ d’un côté, l’envie de ‘faire quelque chose, créer un produit de bout en bout’ de l’autre » raconte Générations. Une tendance de plus en plus marquée qui devrait encore s’intensifier dans les années à venir alors que les désillusions s’enchaînent et que les priorités évoluent. Affaire à suivre.
Aurore de Granier