Cette année, la Biennale de Lyon fêtera sa quinzième édition du mercredi 18 septembre au dimanche 5 janvier 2020. Cet événement bisannuel rend hommage à l’art contemporain et prend en 2019 un nouvel essor inédit au cœur de la Ville des Lumières. Créée en 1991, sous le format qu’on lui connaît aujourd’hui, la Biennale réunit depuis des artistes talentueux internationaux et un public avide d’émerveillement autour d’un seul et unique objectif, la célébration de l’art au travers de formes, de matières, et d’inspirations venues des 4 coins du monde.
Là où les eaux se mêlent
Déclaration d’amour aux ruisseaux, rivières, torrents et fleuves, Là où les eaux se mêlent est un poème de l’auteur américain Raymond Carver. En écho à la géographie de Lyon, c’est le thème de cette 15e Biennale d’art contemporain, dans laquelle le mouvement des eaux est indissociable des flux de capitaux, de marchandises, d’informations et de personnes qui caractérisent le paysage de notre époque. Ce paysage traversé et traversant n’est en effet plus une image face à laquelle on se tient, mais un milieu dans lequel se noue et se dénoue constamment un ensemble de relations d’interdépendances entre les êtres humains, les autres espèces du vivant, le règne minéral et les artefacts technologiques.
Pour cette édition, le commissariat d’exposition a été confié à l’équipe de curateurs du Palais de Tokyo. Adélaïde Blanc, Daria de Beauvais, Yoann Gourmel, Matthieu Lelièvre, Vittoria Matarrese, Claire Moulène et Hugo Vitrani ont relevé le défi et parcouru le monde avec l’idée de favoriser les projets inédits. Ce sont donc plus d’une cinquantaine d’artistes toutes générations confondues et de tous continents qui participent à cette Biennale, imaginée par les curateurs comme un parcours physique, visuel ou encore spirituel, auquel le visiteur est amené à prendre part.
Ils ont été invités à produire des œuvres in situ prenant en compte l’histoire et l’architecture des lieux mais également le contexte socio-économique dans lequel elles s’inscrivent. L’implication de tout le bassin économique de la région Auvergne Rhône-Alpes, de la chaîne des Puys aux contreforts des Alpes, constitue l’une des forces de cette Biennale. Ainsi c’est la richesse de l’écosystème local comme la métallurgie, la chimie, le textile, le BTP, l’automobile, les savoir-faire traditionnels et les technologies de pointe, qui s’offrent aux artistes, les aidant à matérialiser leur inspiration.
De nouveaux lieux
Pour la première fois, la manifestation prendre possession d’un lieu mythique de la ville de Lyon, les Usines Fagor, au coeur du quartier Gerland. Installées depuis 1945 et définitivement fermées en 2015, ces usines figuraient parmi les dernières grandes usines de Lyon intramuros. Ce sont ainsi 29 000 m2 d’espaces atypiques et de friches industrielles qui seront investis par les artistes, donnant un ton particulier à cette nouvelle Biennale. Ce sont également trois autres lieux incontournables lyonnais qui viendront compléter cet immense tableau. Le Musée d’Art Contemporain (MAC Lyon), l’Institut d’Art Contemporain ( IAC Lyon ) et la Presqu’île. Des endroits emblématiques qui inviteront les visiteurs à se réinventer la ville au rythme des œuvres et des créations uniques finement sélectionnées.
D’autre part, l’événement va se déployer sur l’ensemble du territoire grâce à une présence multi-sites. Celle-ci se veut être une manifestation ouverte et accessible à tous, qui dépasse la notion restreinte de l’exposition pensée pour un lieu clos. Ce nouveau modèle s’organise autour de 4 plateformes complémentaires disséminés dans la région : Veduta, Jeune création internationale, Expositions associées et Résonance.
Le dispositif Veduta propose des interventions d’artistes en collaboration avec les habitants, ouvrant ainsi l’art contemporain à tous. En 2019, près d’une dizaine d’artistes interviendront dans des quartiers de Lyon (7e et 8e arrondissements) mais aussi à Bron, Chassieu, Francheville, Givors, Meyzieu, Rillieux-la-Pape, Saint-Genis-Laval, Vaulx-en-Velin, Bourgoin-Jallieu, et jusqu’au Grand Parc Miribel Jonage.
Le volet de la Biennale consacré exclusivement aux artistes émergents et présenté à l’IAC, Jeune création internationale, est pour la première fois le florilège d’une sélection de talents faite par les commissaires de l’exposition, en partenariat avec l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon (ENSBA), l’Institut d’art contemporain (IAC) et le Musée d’art contemporain de Lyon (MacLYON).
En écho à la Biennale, Expositions associées présente un certain nombre d’exhibitions dédiées aux artistes contemporains comme la Fondation Bullukian, le Musée des Beaux-arts, le siège du CIC – Lyonnaise de banque : atrium, l’URDLA (Villeurbanne), La Halle des bouchers (Vienne), le Creux de l’enfer (Thiers), la Villa du Parc (Annemasse) et le Couvent de la Tourette (Éveux).
Enfin, un important maillage de galeries, de musées, d’institutions culturelles et de collectifs d’artistes, proposant des expositions ou événements conçus en lien avec la Biennale et témoignant de la dynamique artistique en région, porte le label Résonance.
Visites guidées ou ateliers aideront néophytes à comprendre les œuvres et les experts à approfondir leurs connaissances. La Biennale, considérée comme l’une des plus grandes manifestations de ce genre, s’offre une nouvelle jeunesse en changeant de lieux et démontre que le monde de l’art contemporain, autrefois clos et élitiste, s’ouvre au public et à d’autres horizons. Une occasion unique pour tous de s’offrir un voyage au cœur de la beauté et de la maîtrise artistique.
Isabelle Bertolotti Directrice Artistique de la Biennale de Lyon
Nous avons demandé à Isabelle Bertolotti sa vision de cette nouvelle Biennale et ce qu’elle nous réserve pour cette édition anniversaire de 2019.
Quelles sont les nouveautés de cette Biennale ?
Pour moi c’est plutôt la façon de penser qui innove sur cette Biennale avec notamment un focus sur la création avec plus de 95% de pièces qui ont été conçues pour cet événement. C’est à la fois un soutien à la création et une production nouvelle. Ce qu’il y a de nouveau aussi c’est le recours aux entreprises régionales, en privilégiant le circuit court. On a souhaité produire et collaborer avec des entreprises locales, soit en fournitures, soit en aide et conseil. Il s’agissait d’utiliser au maximum le tissu local.vIl y a bien sûr également le lieu principal qui change, passant de la Sucrière aux Usines Fagor, et modifie ainsi complètement l’échelle. On passe à un stade au-dessus.
Que présage le thème « Là où les eaux s’entremêlent » ?
Les commissaires venus à Lyon ont été frappés par la confluence présente sur les lieux. La rivière Saône se jette dans le fleuve Rhône, c’est une pointe géographique où les eaux se rencontrent. Cette idée de flux qui jaillit à partir de la confluence de quelque chose les a marqué et ils ont souhaité le matérialiser sous forme d’exposition en donnant cette idée de paysage aux artistes. Cela concerne à la fois les flux géographiques et les flux économiques. Cette démarche a ensuite été transposée aux œuvres, comment le lien entre celles-ci peut nous amener à voir les choses autrement.
« les pièces s’entremêlent et offrent aux visiteurs une expérience »
Quels ont été les critères de sélection des artistes ?
Quelques orientations ont été données aux commissaires : au moins la moitié des artistes devait être des femmes, au moins ¼ d’artistes issus de la scène française avec un focus sur la scène régionale. Puis il y avait également une capacité minimum à se confronter au lieu : les usines Fagor. Puis, de faire en fonction des conditions de ce lieu, comme l’absence de mur et des conditions hydrométriques particulières qui pourraient altérer des œuvres fragiles.
Ont-ils eu carte blanche dans leurs créations ?
Oui ! On a essayé d’aller jusqu’au bout des projets de chaque artiste. On a comme cela vu des œuvres étonnantes comme celle de Sam keogh qui comprend une tête de tunnelier de plus de 240 tonnes, qui a nécessité un convoi exceptionnel et 2 grues pour l’installer! Ou l’artiste Point Cheval, qui avait l’idée poétique de marcher dans les nuages. Il est donc parti au gabon avec une équipe pour filmer cette réflexion avec des ballons gonflables qui l’ont porté dans les airs…
Pensez-vous que l’art contemporain soit aujourd’hui plus accessible ?
L’art contemporain a changé. Les artistes dans leur approche du public, ainsi que les organisateurs d’exposition et les commissaires. Les médiums ne posent plus question. Avant, on pensait que l’art était une peinture sur toile ou une sculpture en bronze, maintenant cela peut être une vidéo, une installation en métal, qui vont changer du classicisme et seront considérés aujourd’hui comme de l’art. Les jeunes générations élevées dans cet esprit ont cette curiosité de penser ces supports différemment, c’est une vision beaucoup plus décomplexée et plus simple.
En quoi la Biennale rend-elle cela possible ?
Elle offre à la fois une diversité d’expression et un parcours physique. C’est une balade, où les oeuvres sont parfois volontairement mélangées. Il n’y a plus de sacralisation des productions, plus de murs blancs, les pièces s’entremêlent comme les eaux et offrent aux visiteurs une expérience plus qu’une simple exposition.