Nicolas Bedos signe une nouvelle fresque romantique, deux ans après Monsieur & Madame Adelman, dans laquelle les personnages seront aux prises avec leurs sentiments, à mi-chemin entre bonheur passé, nostalgie et interrogations présentes et futures.
Qui n’a pas un jour rêvé de voyager dans le temps, de revivre une époque de notre histoire ou de la sienne ? Nicolas Bedos en donne la possibilité au héros de son tout nouveau film, le projetant dans une partie de sa vie qu’il a tant chérit, la rencontre de son plus grand amour. Daniel Auteuil tient le rôle principal de cette histoire, incarnant un homme d’une soixantaine d’années, Victor, désabusé et triste, qui ne semble plus trouver de repères ni de satisfaction dans sa vie actuelle. C’est alors qu’il rencontre Antoine, un jeune entrepreneur, joué par Guillaume Canet, qui lui propose une attraction d’un tout nouveau genre : revivre, à l’aide d’artifices théâtraux et d’acteurs sélectionnés, l’époque de son choix. Contre toute attente, le sexagénaire se décide pour le 16 mai 1974, jour où il rencontra celle qui allait devenir sa femme. Un désir probablement motivé par les sentiments qu’il éprouve toujours pour elle, incarnée par Fanny Ardant, depuis 40 ans maintenant et qui ne semble plus s’intéresser de son côté, à son époux, le trouvant insipide et sans ambition.
Nostalgie, quand tu nous tiens
Nicolas Bedos tire sur la corde sensible du temps qui passe et de notre incapacité à revenir en arrière. La Belle Epoque est, en ce sens, un film empreint d’une certaine philosophie de la vie. Le passé, le présent et le futur sont passés à la loupe, accentuant notre perception de la linéarité du temps qui nous impacte malgré nous.
Le réalisateur joue adroitement de la nostalgie en mettant en scène le vieux mari amoureux dans la reconstitution exacte de son histoire, le café lyonnais où a eu lieu la rencontre, ainsi que du quartier qui l’entoure. Affiche électorale de Giscard, Mobylette bleue, Solex, France-Soir, Dauphine, Simca 1000 et DS immatriculées à l’ancienne mode en 69, tout y est. Le décor est évidemment un faux mais comme le client sait tout de la supercherie et ne demande qu’à s’y prêter, le stratagème fonctionne.
On revit alors avec le protagoniste, les doux émois éprouvés et le bonheur de l’amour naissant. Nicolas Bedos parvient avec finesse à conduire le spectateur vers les mêmes doutes et les mêmes espoirs que le client dépassé par ses sentiments. D’autant plus que la situation se complique lorsqu’on apprend que la jeune actrice qui joue le rôle de l’épouse de Victor, incarnée par Dora Tillier, n’est autre que la petite amie d’Antoine, scénariste de cet étrange théâtre. Un fait qui ne sera pas sans conséquence sur le déroulé de l’intrigue et ajoutera du piquant à ce synopsis déjà unique en son genre.
L’ambivalence entre passé et progrès
Bedos met en scène un conte poétique, tantôt mélancolique tantôt pétillant, souvent très drôle et parfois doucement amer, qui aura tendance à mettre en exergue les difficultés de certains à s’adapter au progrès. La solution proposée par Antoine n’est du coup ni digitalisée, ni le résultat de la technologie mais simplement la mise en scène de décors et d’acteurs tout ce qu’il y a de plus concret. Un procédé « qui aurait tout à fait pu être monté il y a 150 ans puisque c’est juste des mots, de la documentation, des costumes et quelques décors. J’aime bien l’idée que le film offre comme solution au désarroi de Daniel non pas une puce électronique ou un médicament miracle mais, finalement, ce que je fais moi tous les jours quand je travaille, c’est-à-dire tout simplement une équipe qui se creuse la tête pour trouver des choses qui font rêver, avec peu d’éléments. » déclare le réalisateur.
Le film sera en grande partie fondé sur la propre ambivalence de Nicolas Bedos quant à l’évolution de nos sociétés et nous fera forcément tous nous questionner sur l’influence de ce même progrès dans nos vies, ce que nous avons gagné et ce que nous avons perdu : « Je suis un grand utilisateur, opportuniste même, de la technologie, d’Instagram, des réseaux sociaux, de Twitter… Tout cela fait mon quotidien et en même temps, il y a une grande part de moi qui est un « vieux con », nourri de livres, qui est furieux de la disparition progressive de la presse papier, consterné de voir les kiosquiers s’envoler, inquiet que la jeune génération bouffe des séries comme on mange des smarties en ne sachant plus du tout qui réalise, qui écrit, donc mes colères succèdent à des plaisirs. »
Une critique élogieuse
Nicolas Bedos n’en est pas à son coup d’essai et il se pourrait bien que cette nouvelle réalisation soit bien partie pour rencontrer le même succès que son premier film, lui qui endossera tour à tour dans sa vie les rôles de dramaturge, scénariste, acteur et humoriste. Les critiques encensent d’ores et déjà cette deuxième création, les amenant peu à peu à parler d’un auteur vraiment doué. Nicolas Bedos avait déjà fait une entrée remarquée dans le cercle des réalisateurs de cinéma. Apprécié de certains, détesté par d’autres, l’artiste avait dans tous les cas impressionné là où on ne l’aurait pas forcément attendu. Deux ans plus tard, Bedos confirme, et a même affolé la Croisette en mai dernier au Festival de Cannes, en y présentant hors compétition sa Belle Époque, longuement ovationné par la salle. Un futur succès qui sera d’autant plus marquant que le film est porté par un jeu d’acteurs impeccable. Daniel Auteuil, Fanny Ardant, Guillaume Canet, Dora Tillier et quelques apparitions de Pierre Arditi, le casting est sublime et nous promet un long-métrage combinant légèreté et profondeur du propos, tantôt touchant, tantôt follement divertissant, voire les deux à la fois.