Au Grand Théâtre de Genève, l'opéra Khovantchina de Modeste Moussorgski fait son grand retour, une œuvre aussi grandiose que tumultueuse, à découvrir dans une production inédite. Créée pour la première fois en 1886 à Saint-Pétersbourg, Khovantchina incarne l’affrontement brutal de trois puissances sociales dans la Russie du 17e siècle, chacune avec ses idéaux et ses ambitions, mais toutes confrontées à la même tragédie du pouvoir.
À travers ce drame politique et musical, Moussorgski dépeint la lutte implacable pour le pouvoir qui déchire la Russie de l'époque, une histoire qui résonne avec des échos étonnamment actuels. Le conflit central oppose le courant réformiste mené par le prince Golyzin, partisan d’une ouverture vers l’Europe, aux forces conservatrices des boyards, qui veulent préserver la Russie de toute influence étrangère, et aux vieux-croyants, un groupe religieux conservateur mené par le prêtre Dossifej.
En toile de fond, l’intrigue met en lumière la répression sanglante orchestrée par Pierre le Grand, celui qui, à la fin de l'opéra, se dressera comme le dernier vainqueur de cette guerre pour le contrôle de la Russie. Le chef-d'œuvre inachevé de Moussorgski, largement salué pour sa profondeur musicale et sa puissance dramatique, explore des thèmes qui résonnent encore avec notre époque : les luttes de pouvoir, les divisions internes et la souffrance des peuples... Khovantchina n'est pas simplement un retour vers le passé, c'est une mise en lumière des fractures sociales et politiques qui, tragiquement, restent d'actualité.
UNE ŒUVRE MONUMENTALE, UNE INSTRUMENTATION AUDACIEUSE
Moussorgski, bien qu'ayant laissé cette œuvre inachevée avant de mourir à l'âge de 42 ans, a marqué les esprits avec une composition profondément russe, à la fois fidèle à la tradition musicale du pays et visionnaire dans sa forme. Pour compléter l'œuvre, plusieurs compositeurs se sont attelés à l’instrumentation, dont le plus célèbre est Rimski-Korsakov.
Pour cette production au Grand Théâtre de Genève, c’est l’orchestration de Dimitri Chostakovitch qui a été choisie, une version qui conserve l’austérité et la texture âpre de Moussorgski, tout en apportant une vision moderne. La touche finale d’Igor Stravinsky, avec son ultime transcendance spirituelle, vient couronner cette œuvre ambitieuse, la projetant dans une dimension à la fois humaine et universelle.
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UNE MISE EN SCÈNE PUISSANTE ET POÉTIQUE PAR CALIXTO BIEITO
Le metteur en scène Calixto Bieito, connu pour son approche visuellement saisissante des grands opéras russes, signe une nouvelle production de Khovantchina qui promet de bouleverser le public genevois.
Lui qui avait déjà marqué la scène du Grand Théâtre avec Guerre et Paix de Prokofiev et Lady Macbeth de Mtsensk de Chostakovitch, réunit de nouveau le chef d’orchestre Alejo Perez pour une interprétation musicale qui promet d’être magistrale.
Au cœur de cette mise en scène, le personnage de Marfa, interprété par la mezzo-soprano américaine Raehann Bryce-Davis, occupe une place centrale. Sa prestation incarne à la fois la douleur et l'espoir d’une Russie dévastée par ses luttes internes. Aux côtés de Bryce-Davis, Dmitri Ulyanov revient dans le rôle d'Ivan Khovanski, et prête ses traits à ce personnage complexe et ambivalent, contrastant avec ses précédents rôles comme le Général Kouzoumov ou Philippe II. Le baryton russe Vladislav Sulimsky, qui a marqué l’histoire du Festival de Salzbourg en interprétant Macbeth, se joint à cette distribution exceptionnelle dans le rôle du boyard Chaklovity.
UNE PRODUCTION À DÉCOUVRIR ABSOLUMENT
Ce Khovantchina 2025 au Grand Théâtre de Genève promet d’être une expérience à la fois sonore et visuelle unique.
Dans un cadre somptueux, l’œuvre sera chantée en russe, avec des surtitres en français et en anglais pour une immersion totale dans ce monde de passions et de pouvoir, véritable voyage à travers l’histoire et les luttes de la Russie.
Un rendez-vous à ne pas manquer pour les amateurs de musique, d’histoire et de théâtre, qui ne manquera pas de laisser une empreinte indélébile dans la saison culturelle de Genève.