Après avoir été nommé aux Oscars pour son court métrage en 2011, Xavier Legrand présente son premier film qui traite du sujet épineux des violences conjugales. Une entrée fracassante dans le cinéma français pour l’acteur de théâtre.
L’histoire prend place dans le bureau de la juge. Miriam (Léa Drucker) et Antoine (Denis Ménochet ) sont séparés depuis quelques temps, ils ont deux enfants : Julien ( Thomas Giora) et Joséphine ( Mathilde Auneveux). Le père souhaite passer du temps avec son fils, qu’il n’arrive plus à joindre depuis que Miriam a déménagé. Julien ne semble pas aussi pressé de revoir son père et dépeint dans une lettre au juge un homme dont il ne veut plus partager la vie, au point que lui et sa sœur l’appellent « l’autre ».
Le portrait de deux parents en instance de séparation typique pourrait en rester là. D’un côté un père sujet à des accès de rage par une situation qui le dépasse, et de l’autre une mère manipulatrice qui ne veut plus aucun forme de contact avec son compagnon. Ce qui serait une illustration de la douleur d’une séparation pour les intéressés et leurs progénitures. Mais non, « Jusqu’à la garde » n’emprunte pas ce chemin.
La première demi-heure du film nous plonge dans les codes les plus solides , mais non moins épurés, du film français, c’est pour mieux installer une tension qui ne s’arrêtera pas avant le final, et quelle apothéose. Si l’on peut être tenté de dire que le film dépeint les torts des parents de manières distinctes, il semble plus intuitif d’aller chercher au-delà. Le réalisateur et scénariste Xavier Legrand nous livre une œuvre aux allures de tragédie grecque, qui sait néanmoins sortir du cadre par une vision moderne du conflit familial et des violences conjugales.
Le film tient un brillant équilibre entre des moments de pression inouïe et une terreur constant. Le tout tenant en place grâce à des plans allongés pour bien nous mettre au coeur du récit. Ici, les changements d’angles cadencés ne vous sauveront pas, et le malaise que suscitent certains passages montre la prouesse de la mise en scène.
On retrouve ici un Denis Ménochet et une Léa Drucker fulgurants. Chacun dans leurs styles, elle sobre et froide et lui passant de la douleur à la colère, portent haut leurs jeux d’acteurs. Ils nous dépeignent une histoire poignante tant le réalisme du propos rattrape nos émotions. Mention spéciale à Thomas Giora, 13 ans au moment du tournage, qui sait toucher le spectateur en interprétant le rôle d’un enfant qui se cherche de manière complexe et touchante.
« Jusqu’à la garde » est un premier film plus que réussi pour Xavier Legrand.Avec un final hors-norme de tension, c'est un incontournable de ce début d’année.