Renaud Brustlein, alias H-Burns, compte parmi les porte-drapeaux tricolores de la musique nord-américaine. Son dernier album Sunset Park, nous emmène sur la côte ouest des États-Unis où l’auteur-compositeur-interprète a pansé les plaies d’une rupture sentimentale. Du Vercors à Los Angeles, entre folk acoustique et rock électrique, suivons H-Burns dans son road movie musical.
Que voyez-vous dans le rétroviseur de votre carrière ?
Je vois quelqu’un dont j’aime le parcours. En 2005, j’ai démissionné d’un petit cinéma de Romans-sur-Isère, dans ma Drôme natale, pour monter dans un camion avec ma guitare acoustique. J’ai travaillé avec des producteurs et des artistes que j’admirais. Je vis de ma musique depuis plus de 18 ans. Quand, adolescent, on écoute les Pixies et Nirvana et que plus tard, on se retrouve à Chicago dans le studio de Steve Albini, on ne peut pas être blasé.
À quoi fait référence le titre de l’album Sunset Park ?
J’ai découvert le roman Sunset Park de Paul Auster en audio book, sur la côte ouest des États-Unis. Même si le livre se passe sur la côte est, il reste pour moi associé à un voyage entre Los Angeles et Vancouver. Il m’a accompagné pendant tout le trajet. J’ai cristallisé un moment assez précis, avec une lumière que j’avais en tête et qu’on a réussi à retranscrire sur la pochette de l’album. Ça marquait un changement de vie personnel, la métaphore du coucher de soleil était appropriée.
Une œuvre peinte par Gilles Marrey qui représente une plage de l’Oregon...
Oui, elle marque la fin de quelque chose et le début d’une autre. C’est aussi la plongée dans l’inconnu parce que, juste avant la nuit, on ne sait pas trop où on va après. C’est aussi une photographie instantanée et précise des personnes avec qui j’étais à ce moment-là et que j’ai voulu immortaliser en un disque.
Comment est né le morceau éponyme Sunset Park ?
J’avais déjà le nom de l’album en tête, alors j’ai fait une chanson qui en portrait le nom. Je voulais un morceau à l’ambiance lente et contemplative, parce que c’est le sentiment que j’ai quand je repense à ce voyage. Cette lumière-là… Il y a quelque chose de très flottant et d’un peu triste, mais pas seulement. Sunset Park était le morceau adéquat pour démarrer l’album et lui donner son nom.
Pourquoi dites-vous qu’il s’agit d’un disque de ruptures affectives et artistiques ?
Parce que je n’ai pas composé comme d’habitude. Je l’ai fait dans l’urgence, ce qui ne m’arrive pas souvent. Jusqu’à alors, je prenais le temps d’écrire. Pour cet album, j’ai écrit douze titres en deux mois, dans le calme et la solitude d’un petit studio situé dans le Vercors. C’est une rupture avec ma méthode de travail habituelle, une période où je ne pouvais faire qu’écrire pour m’éviter de penser trop. C’était une forme de mise en abîme.
Je vis de ma musique depuis plus de 18 ans.
Vous êtes ensuite parti à Los Angeles chez le producteur Rob Schnapf…
J’y ai passé trois semaines pour les arrangements, le mixage et les voix. C’est notre troisième collaboration, alors maintenant, nous sommes devenus des amis. Nous avons une complicité, on se connaît. On n’a pas besoin de parler technique, on a passé un cap dans notre relation qui permet d’aller au fond des choses. Ce sont trois semaines où on n’a pas à faire de politesse, à apprendre à se connaître, à se jauger. On va à l’essentiel et du coup, on sort de la surface, on peut creuser.
Il y a un duo Dark Eyes, avec Dominique A. Comment s’est déroulée la rencontre ?
J’ai toujours admiré son travail. Dominique est Nantais et ma maison de disque est basée à Nantes. Quand on a évoqué les collaborations possibles sur l’album, le directeur artistique nous a dit très bien connaître Dominique et lui a demandé. Mais à ce moment-là, il était très occupé. Il n’avait pas le temps et a répondu non d’office. Mais après avoir écouté la chanson, il a rappelé la maison de disque pour dire qu’il acceptait. On a enregistré dans le studio où il avait fait son tout premier album. Sur un disque, c’est toujours intéressant d’avoir une voix, un univers qui nous emmène ailleurs, qui amène un plus dans la narration, c’est quelque chose que je fais de plus en plus souvent.
Comme avec Bertrand Belin ?
On s’est rencontré en 2012, c’est un ami. À chaque fois que je l’appelle sur un projet, il répond oui avant même d'avoir écouté la chanson. On a un lien d’amitié profond. Je lui ai suggéré de faire un texte en français. Il m’a envoyé des bouts de son texte par sms, quatre phases qu’il répète en boucle dans le morceau La nuit est entrée en lui. Il a pris le rôle d’un narrateur qui se tient à l’écart de mon histoire. Ce qui fait la réussite narrative du duo, c’est que je m’exprime en « je » et Bertrand en « il », comme si j’étais le héros de mon roman et que lui me regardait de l’extérieur.
Sur ce disque, vous ne vouliez pas une charte de sons monolithique. C'est-à-dire ?
Je dis souvent que c’est un album à écouter avec un casque et un bon casque, si possible ! On se rend compte qu’il y a vraiment des strates, de la profondeur de champ. On a pensé Sunset Park comme un film, avec les références au voyage, la rupture, la narration. La pochette est très cinématographique : on voit la plage en grand format avec le feu de joie au premier plan, le coucher de soleil au fond, et au milieu, il y a plein de choses à raconter.
Propos recueillis par Nathalie Truche