Sa bio annonce la couleur : l’artiste franco-lituanienne plante un hachoir de fraicheur dans notre paysage musical. Ses titres (Pisser debout, Les gens se brossent les dents, Ode à la contraception, Jacky le nain…) évoquent des thèmes noirs mâtinés de rose. Une interview sans fausse pudeur.
Ou vous trouvez-vous en ce moment?
Il faut demander à la MSA! Plus sérieusement, je suis entre deux dates de tournée. Juste le temps de laver mes culottes et je repars. L’hygiène, c’est important pour moi. Vu que dans ma tête c’est très sale, j’essaie de rester propre à l’extérieur.
Être une femme aujourd’hui, c’est compliqué?
Je suis toujours étonnée par les discours du genre «il faut changer le regard sur les femmes». Je pense que les femmes doivent se comporter de telle sorte que l’on change de regard sur elles. En commençant par refuser de poser à poil pour des yaourts.
Quel regard portez-vous sur le monde?
Le monde, ça va. Il est joli et plein de belles choses. Le problème, ce sont les gens qui y vivent. Quand on sera tous morts, j’espère que l’espèce qui nous succédera sera meilleure.
Quelle est la dernière concession que vous ayez faite?
Je suis indépendante, je m’autoproduis. Je ne me suis donc pas installée dans un système qui exigerait des concessions. Je travaille avec une petite équipe. Il n’y a pas dix personnes au-dessus de moi qui, affublées d’une cravate, me disent : «Là vraiment Giedré, il serait temps que tu fasses une pochette d’album, perchée sur une balançoire, avec un ventilateur pour faire de l’air».
Dans votre jeu de l’oie, sur quelle case aimeriez-vous tomber?
«Jean-Pierre Pernaut est ton père», c’est pas mal…
Et celle que vous souhaiteriez éviter?
«Faire l’anus avec les pieds», je n’ai jamais réussi.
Si vous deviez réaliser un film, à quoi ressemblerait-il ?
Je ne sais pas… Ce dont je suis sûre c’est que j’aurais du mal à raconter une histoire merveilleuse où tout se passe bien. Parce que je ne veux pas dire des choses fausses. Je suis encore traumatisée du moment où j’ai pris conscience que tout ce qu’on nous avait raconté quand on était petit, n’avait rien de vrai.
La chanson que vous auriez aimé écrire?
Il y en a plein. Gem lé moch’ de Stupeflip ou encore, Les trompettes de la renommée de Georges Brassens.
Quel est votre plus beau souvenir de scène?
Lorsque j’ai invité Grégoire à l’Olympia pour chanter «On fait tous caca». Cette chanson m’a été inspirée par son tube «toi plus moi». J’ai trouvé super qu’il accepte car je me suis dit «Tout est possible». Ce n’est pas parce que quelqu’un fait de la variété, qu’il participe aux Enfoirés, qu’il ne peut pas avoir de l’autodérision, de l’humour et du recul. Ça m’a donné pas mal d’espoir dans les gens.
Et le pire souvenir ?
Une petite dame du public qui a vomi. Elle a peut-être mal digéré mes chansons! Mais je ne réfléchis pas comme ça : j’essaie d’utiliser toutes les situations de la vie et, si on sait bien les transformer, le pire peut devenir le meilleur.
Dans le train, vous parlez à vos voisins?
Non, je ne parle pas trop aux gens. Je les écoute surtout. C’est un puit d’inspiration.
Vous tenez un journal intime?
J’en ai tenu mais je les ai tous brûlés. Je suis trop paranoïaque. Parce que si je meurs et qu’on découvre ce qu’il y a dedans, personne ne viendra à mon enterrement. Alors j’ai décidé d’écrire des chansons que les gens soient capables d’entendre.
Dans l’écriture de vos titres, vous n’allez pas un peu loin…
Si. Parfois, quand j’arrive en bas de page, je me dis : «Ah mince, si je continue, je vais écrire sur la table». C’est le moment où je me rends compte que je suis allée trop loin.
Pour finir, un petit questionnaire à la Proust…
A la proute, c’est mieux.
Votre héroïne dans l’histoire ?
Marie Curie.
Votre principal défaut ?
Je suis trop «control freak».
Le pays où vous rêveriez de vivre ?
Ce serait un mélange entre l’Islande, pour le pouvoir pris par le peuple, les Caraïbes pour le soleil, le Japon pour le côté n’importe quoi, l’Amérique du Sud pour la musique et la Lituanie pour mes origines.
Une faiblesse qui vous inspire de l’indulgence ?
La naïveté.
Quel serait votre plus grand malheur ?
D’accepter, de ne plus être fâchée. Si on se résigne, on devient cynique.
Propos receuillis par Nathalie Truche