Blotti au cœur de la vieille ville de Genève, le Musée international de la Réforme (MIR) est une institution phare de la cité calviniste. Visite guidée avec son directeur, Gabriel de Montmollin.
Pourquoi un Musée international de la Réforme à Genève ?
Le musée est consacré à la réforme protestante, révolution religieuse majeure du XVIème siècle, lancée par Martin Luther en Allemagne et par le Français Jean Calvin à Genève. Le mouvement entendait favoriser une église locale et un rapport différent à la foi chrétienne, notamment centrée sur la lecture de la bible traduite dans plusieurs langues, de manière à ce que chacun puisse la comprendre. Jean Calvin s’est réfugié à Genève pour fuir les violences religieuses en France. Il a inventé la réforme à Genève, ville considérée comme l’une des capitales du protestantisme.
De quels documents disposez-vous ?
Le musée - qui a ouvert ses portes en 2005 - rassemble un certain nombre d’œuvres importantes : des manuscrits, des tableaux, des objets… Sur les 2800 œuvres en dépôt, 650 sont exposées dont 150 livres. À titre d’exemple : des bibles du XVIème siècle, des tableaux du grand peintre Lucas Cranach, des caricatures, une importante collection d’œuvres liées aux guerres de religion en France, accompagnées de lettres à la signature authentique de tous les rois de France du XVIème siècle : de François 1er à Henri IV.
Quelle pièce considérez-vous
comme exceptionnelle ?
Le musée présente l’un des portraits les plus connus de Martin Luther réalisé par Lucas Cranach. Est aussi exposée une représentation du Temple de Paradis. Ce bâtiment, construit à Lyon en 1564 et détruit trois ans plus tard, est une référence dans l’art architectural du XVIème siècle. Ces deux tableaux sont très importants pour notre musée.
Présentez-nous votre exposition permanente…
Elle se déroule sur douze salles. Cette exposition chronologique et thématique commence au XVIème siècle pour se terminer au XXIème siècle. Chaque siècle met en lumière des œuvres particulièrement importantes sur la réforme protestante à Genève et dans le monde. En tant que musée international, nous souhaitons montrer l’incidence de cette tradition sur différents continents. D’autre part, le musée est installé dans un hôtel particulier du XVIIIème siècle, construit par Gédéon Mallet, descendant d’un huguenot de Rouen. Nous avons donc un monument historique - au centre de la vieille ville et à côté de la cathédrale de Genève - que le public aime visiter. Ce sont deux motivations pour venir au musée.
Votre exposition temporaire fait cap
vers l’Amérique…
Absolument. Du 28 octobre 2020 au 28 février 2021, l’exposition Calvin en Amérique célèbre les 400 ans de l’arrivée des premiers colons en Amérique du nord. Ces réfugiés calvinistes, fuyant l’Angleterre qu’ils jugeaient trop catholique, se sont installés sur les côtes du Massachussetts. Ils sont considérés comme les fondateurs de l’Amérique du Nord. Nous explorons cette époque en faisant venir de 17 musées et bibliothèques, une trentaine d’œuvres historiques majeures : des écrits et des objets qui racontent l’influence du protestantisme sur l’identité américaine. Les thématiques sont diverses : histoire de la musique religieuse aux États-Unis, témoignages contemporains sur l’importance de la religion pour cette nation. Un montage de films montrera le rôle joué par la religion dans les films américains. Nous proposons également une expérience virtuelle grâce à laquelle les visiteurs voyageront pendant cinq minutes sur le May Flower qui a conduit les premiers arrivants européens en Amérique du nord. Le public coiffera un casque et une visière pour se projeter dans le temps et l’espace.
Le musée est consacré à la réforme protestante
Certaines œuvres sont-elles difficiles à obtenir ?
Oui, mais nous bénéficions heureusement d’une excellente réputation. Nous avons réalisé de nombreuses expositions temporaires avec des pièces qui nous ont été prêtées et que nous avons restituées dans les meilleures conditions. Notre politique d’assurance présente des standards très élevés, nous avons donc peu de souci de ce côté-là. Toutefois, quelques musées n’ont pas souhaité se séparer de certaines œuvres, préférant les garder près d’eux plutôt que de les savoir à dix mille kilomètres des États-Unis. Nous avons donc reçu quelques refus polis.
Qui sont les visiteurs du MIR ?
Plus de 150 classes d’école viennent chaque année ainsi que de nombreux particuliers dont 60% sont suisses. La première nationalité étrangère est française. Nous recevons aussi la visite d’Américains, de Brésiliens, de Coréens… Hélas, tous ces visiteurs internationaux ne voyagent plus depuis trois mois, la fréquentation a par conséquent fortement baissé. En temps normal, 120 nationalités viennent nous voir. Nous sommes un musée bien repéré dans les circuits touristiques proposés dans le monde.
Quelles sont les mesures mises en place
dans le cadre du Covid ?
Nous avons rouvert en mai et depuis, nous appliquons des consignes draconiennes. Les visiteurs et guides doivent garder une distance d’un mètre et demi entre eux. Le port du masque est obligatoire à compter de dix personnes dans le musée et nous respectons une régulation du nombre d’entrées : pas plus de trente-cinq personnes au total. Bien entendu, les visiteurs doivent se désinfecter les mains en entrant et en sortant du bâtiment. Ces mesures permettent de rassurer le public.
Si on vous offrait une œuvre,
laquelle choisiriez-vous pour le musée ?
Un tableau ou un autoportrait de Rembrandt. Il compte parmi les premiers peintres protestants de l’histoire. Van Gogh aussi est protestant. Ça m’intéresserait évidemment beaucoup !
Propos recueillis par Nathalie Truche