Depuis plus de 35 ans, les Ateliers d’ethnomusicologie (Adem) mettent en lumière les musiques traditionnelles à travers des activités pédagogiques et des concerts. Tour d’horizon avec Fabrice Contri, nouveau directeur de l’association genevoise.
Quelle est l’origine des Adem ?
À son retour de l’Inde, au début des années 80, Laurent Aubert – mon prédécesseur – a programmé plusieurs concerts de musiques d’Orient dans le cadre de l’AMR, qui se consacre au jazz et aux musiques improvisées. Il a cependant très vite pris un chemin personnel en quittant cette association genevoise. C’était en 1983, année où Laurent a fondé les Adem. La ville de Genève les a immédiatement subventionnés et continue de le faire – à côté d’autres sponsors plus ponctuels – depuis 36 ans avec une grande fidélité !
En quoi consistent les Adem ?
Leur vocation est de promouvoir les musiques dites « traditionnelles » dans toute leur diversité, de présenter un panorama du monde par le biais non seulement de concerts mais aussi d’activités pédagogiques : des stages, des cours destinés aux enfants et aux adultes. L’esprit associatif est très important à travers la rencontre des gens autour de la musique de l’autre. Le partage se traduit par la participation des enseignants qui sont majoritairement des personnes venant du monde entier, souvent en migration et auxquelles une chance est offerte de pouvoir s’insérer socialement grâce à la musique.
Pourquoi avoir accepté la direction de l’association ?
J’ai souhaité développer mes liens avec les Adem dès mon arrivée en Haute-Savoie, il y a une vingtaine d’années. J’ai d’abord fréquenté les concerts puis suis vite devenu membre du comité. Je suis ethnomusicologue, enseignant chercheur au Conservatoire Nationale Supérieur de Musique et de Danse de Lyon, chargé de cours à la HEM de Genève. Les Ateliers d’ethnomusicologie me permettaient de réunir tout ce que j’aime : rencontrer et inviter des musiciens, travailler avec une équipe, concilier pratique et recherches musicales. Quand le poste de directeur s’est ouvert en 2018, j’ai postulé et ma candidature, portée par mon expérience, a été acceptée.
Quelle orientation donnerez-vous à la programmation ?
Sans rompre avec l’ancienne direction et en s’appuyant sur un travail d’équipe, je souhaite mettre en valeur la dimension créative des « traditions » et chercher à diversifier les publics. J’entends mettre notamment en avant les jeunes musiciens qui composent des musiques nouvelles au sein d’une tradition. Et pour la diversification du public, je compte souvent axer les thématiques de festivals autour de certains sujets - cette année l’exil et la fusion en musique - et ne pas me limiter seulement à des aires géographiques spécifiques. Cette orientation permet de croiser différentes esthétiques, elle invite aussi à poser de vraies questions ethnomusicologiques.
je souhaite mettre en valeur la dimension créative des traditions
Quelles animations jalonnent l’année ?
Parmi nos rendez-vous réguliers, le Festival RamDamJam destiné au jeune public – en collaboration avec le MEG (Musée d’Ethnographie de Genève) et les Adem - se tient chaque printemps depuis 2017. Pendant tout un week-end, différents spectacles et activités autour de la musique et de la danse sont présentés au MEG. Ma collègue Astrid Stierlin, responsable pédagogique aux Adem, a créé La Croisée des cultures, un très bel événement programmé cette année du 30 juin au 6 juillet. Depuis 25 ans, la manifestation permet à des artistes du monde entier de donner des cours au public, du débutant au pratiquant chevronné. Très festif, ce grand stage d’une semaine donne l’opportunité aux participants de se réunir - professeurs et stagiaires - et de partager leur amour pour diverses musiques du monde. Les enfants ne sont pas oubliés car une animation baptisée La Croisée des Z’ethnos leur est proposée en même temps, cette année ce sera du 1er au 5 juillet.
Parlez-nous des Vendredis de l’ethno…
Programmé sur huit vendredis dans l’année, ce panorama des musiques du monde concrétise le lien entre les Adem et l’AMR. Le dernier Vendredi de l’ethno de la saison 2018-2019 aura lieu le vendredi 17 mai avec Douar Trio. Ce groupe de jeunes musiciens lyonnais joue avec différentes traditions, une forme de fusion qui, à mon sens, est pertinente car basée sur une connaissance réelle des sources.
De quelles couleurs s’imprégnera la saison 2019/2020 ?
La saison s’articulera autour de thématiques transversales. La thématique de notre festival régulier de l’automne, Les nuits du monde, portera cette année sur les usages extraordinaires et singuliers de la voix. Il semble ici qu’il n’y ait pas de limite à l’inventivité ! Quant au festival d’hiver, il sera « polaire », avec des musiques quelque peu délaissées sous nos latitudes : celles des pays nordiques. Chaque année, ces deux rendez-vous abordent un thème différent avec pour objectif de surprendre, de sortir des habitudes d’écoute.
À noter : les Adem publient une fois par an Les Cahiers d’ethnomusicologie, seule revue francophone d’ethnomusicologie.
Propos recueillis par Nathalie Truche