Votre humour et vos tours ont changé depuis vos débuts…
Je suis en train de construire un nouveau spectacle autour de la grande illusion avec des effets de magie d’ampleur. Je vais disparaitre d’un côté de la scène pour me retrouver au milieu de la salle, je vais faire voler un enfant, j’utilise un objet magique qui fait 10 mètres de large sur 10 mètres de haut. On passe de l’artisanat, du bricolage le plus basique, à un niveau quasi industriel. Il y a donc une évolution quant à la valeur de production mais aussi de mon savoir-faire. Sur un plan comique, je suis plus sensible à une certaine qualité d’écriture, à des tournures de phrase un peu plus pointues, à un lexique plus recherché.
Un magicien est-il toujours en quête du tour inédit ?
Oui, c’est la marque de fabrique d’un magicien professionnel. Il cherche à faire ce que les autres n’ont pas encore fait. Ou à refaire de manière complètement différente ce qui a déjà été fait. Quel que soit l’art dans lequel on travaille – la magie et l’écriture pour moi – je pense que, quelque part, tout a déjà été fait. Alors on reprend des choses qui existent mais pour les transformer. J’espère que dans mon spectacle, il y aura un effet bluffant qu’on ne trouve dans aucun livre de magie.
Vous arrive-t-il de rater des tours ?
Oui, c’est impossible de ne pas en louper. C’est comme un musicien, même le plus virtuose a déjà raté une note ou un tempo. Pour un magicien qui se prend au sérieux, un tour raté est une catastrophe. Heureusement, je ne fais pas partie de cette famille-là, moi je déconne. Du coup, le public ne s’en rend pas compte. Mais je me souviens de mon premier direct sur France 4 où j’avais loupé deux effets de magie que je n’avais jamais raté de ma vie. Le stress est un phénomène étonnant qui fait faire des bêtises aux doigts et à l’esprit.
Avez-vous déjà été désarçonné par une personne du public ?
Oui, bien sûr. Tout le monde pense que j’ai un contrôle total grâce à la déconne mais c’est faux. Je me souviens d’une petite mamie que je m’apprêtais à embrasser sur la joue pour la remercier de sa participation et qui m’a volé un baiser. Elle m’a quasiment violé la bouche ! C’était pas très hygiénique mais très drôle. Les enfants aussi sont des puits de surprises qui vont là où on ne les attend pas, c’est un vrai bonheur. Mais comme je m’attends à l’inattendu, ça ne me gêne pas.
Vos études en psychologie vous sont-elles utiles dans l’élaboration de vos tours ?
Oui et de surcroit, ma mère était psychothérapeute et mon beau-père psychiatre. J’ai donc toujours baigné dans cette culture. C’est très intéressant de savoir comment l’humain fonctionne quand, justement, on cherche à tromper son attention.
A votre avis, quelle question restera toujours sans réponse ?
Je suis un fan absolu des Monty Python. Leur plus grand film, Le sens de la vie, se ponctue par un point d’interrogation. Leur réponse est une non-réponse, une absurdité, un non-sens. Sauf que le non-sens n’est pas une réponse. Je crois donc qu’il n’y aura jamais de réponse au sens de la vie.
En dehors d’une scène, qu’avez-vous déjà mis en pièces ?
Moi, malheureusement. Psychologiquement, en étant trop dur avec moi-même. Mon épouse aussi, avec qui je travaille. La pauvre… Elle souffre de mes fatigues, de mes humeurs. Nous avons deux enfants en bas âge, nous sommes en phase de création de spectacle et en manque de sommeil… Donc, on met parfois en pièces notre humeur, notre sensibilité.
Question technique : comment maîtrise-t-on une colombe ?
Alors… Une colombe ne se maîtrise pas, elle s’apprivoise. Pour moi, le choix lexical est important. C’est-à-dire qu’on ne lui fait faire que ce qu’elle a envie de faire. C’est comme l’histoire du petit Prince et du roi qui donne des ordres sous forme d’actions que la personne a envie de faire. Quand la personne a envie de manger, il lui dit : « Je t’ordonne de manger ». Quand elle a envie de partir, il lui ordonne de partir. Cela illustre le lien qu’on peut avoir avec une colombe, c’est un animal très doux mais pas très facile à gérer.
Muni d’une vraie baguette magique, quel vœu exauceriez-vous ?
J’ai envie de laisser à mes enfants une belle pensée. Que la notion d’optimisme perdure. La vie n’est pas toujours facile alors j’aimerais que l’optimisme gagne. Ce sont les gens qui y croient qui font bouger le monde. Voilà, c’est mon vœu.
Propos recueillis par Nathalie Truche