C’est en 2006, avec le titre « L’autre bout du monde », que la chanteuse franco-britannique a surgi de l’ombre. Mona, son quatrième album, nous plonge dans un univers poétique et très personnel porté par une voix délicate. Âmes sensibles, savourez…
Vous avez chanté « Je ne sais pas choisir ». Ça vous ressemble ?
Complètement. Ce titre est une forme d’autoportrait. L’indécision est un aspect complexe mais sur lequel je travaille ! En revanche, il y a des domaines – comme la musique, la création - dans lesquels je sais trancher.
À quelle musique avez-vous biberonné ?
Mon inspiration vient de ce que j’ai écouté enfant. Nina Simone, Leonard Cohen, Bob Dylan, Georges Brassens ou encore Barbara font partie de ceux qui m’ont fondée, qui m’ont nourrie de leurs œuvres. Mais le classique, le baroque, en passant par le hip hop et la musique contemporaine ont aussi abouti à ce que je fais aujourd’hui.
Vos paroles puisent dans un monde onirique…
Oui, je suis très inspirée par l’enfance, les rêves, le langage métaphorique et allégorique. C’est vrai que ma manière de parler du réel est souvent très onirique.
Un titre qui vous a donné du fil à retordre ?
Je suis revenue plusieurs fois sur la structure de Drowing Man - qui était d’abord en français - pour arriver à sa forme ultime. Quant à Mona, je l’ai écrite de manière très spontanée. Mais avec Renaud Letang, nous la trouvions trop proche des clichés d’une chanson française classique. Nous avons alors voulu la détourner, l’emmener ailleurs afin qu’elle soit à l’image du reste de l’album.
Et un titre qui a coulé de source ?
Sombre printemps a été très limpide pour moi.
« La surexposition génère de la pression, il faut être sacrément solide pour l’affronter »
L’eau est omniprésente dans vos chansons. Pourquoi ?
Dans cet album, l’eau est à la fois symbole de la maternité, de la mère, de la naissance, de la noyade, de l’asphyxie, du moment où l’on sombre, de la folie, de la noirceur, de ce qu’on ne contrôle pas. L’histoire de mon grand-père sur le navire coulé par les Allemands pendant la guerre est une façon d’aborder le conflit, le déracinement. Au-delà, l’eau est un élément fort et sensuel. Un élément onirique par excellence.
Vous jetez une bouteille à la mer. Quel message écrivez-vous ?
Qu’il est difficile de vivre ensemble, de s’aimer. Ça demande du travail, un effort sur soi-même, du sacrifice, mais ça permet de recevoir. Ce serait le message le plus urgent. Accueillir l’autre n’est peut-être pas une évidence mais c’est une nécessité.
Que vous apporte la double culture franco-britannique?
Une indifférence à la notion de frontières. J’ai grandi en France et passé beaucoup de temps en Grande-Bretagne. J’allais d’un côté à l’autre de manière très naturelle. Je pense que le monde est simplement un peuple qui s’exprime dans des langues différentes. L’attachement au territoire m’échappe.
Votre carrière s’accomplit dans une certaine confidentialité… Vous rêvez de lumière ?
Je bénéficie d’une exposition suffisamment lumineuse pour me laisser la liberté de créer ce que je veux. Mais je ne vais pas faire semblant : on rêve tous que sa musique soit écoutée par le plus grand nombre. Ma considération première est de continuer de creuser. Je me vois comme une chercheuse qui mène une quête intérieure mais aussi extérieure, vers la musique, la poésie, le théâtre. Si cela me permet de rencontrer des artistes et de faire des choses intéressantes, c’est tout ce que je demande. Il y a une forme de douceur dans mon exposition qui me plait. La surexposition génère de la pression, il faut être sacrément solide pour l’affronter.
Justement, où en êtes-vous de votre quête intérieure ?
Je commence à me connaître un petit peu mais ce n’est jamais fini. On se modifie avec les expériences, les gens qu’on rencontre, le travail qu’on fait sur soi-même pour dépasser certaines choses, se confronter à nos fantômes. On ne reste pas la même personne de la naissance à la mort, et heureusement ! Il y a tellement de possibles quand on s’affranchit de toutes les considérations qui caractérisent cette société comme être dans une case et devoir y rester. Penser que tout est possible, c’est magique.
Propos recueillis par Nathalie Truche