Sibylline est le pseudonyme mystérieux de Raphaëlle, une jeune étudiante en architecture fraîchement débarquée à Paris, dont l'intimité nous est ici racontée en 12 chapitres.

Au premier abord, elle semble être une étudiante ordinaire, cherchant ses marques dans la grande ville en quête de nouvelles amitiés. Parfois, le soir, elle enflamme les pistes de danse avec ses baskets. Il arrive qu'un garçon l'attire, alors les discussions avec ses amies s'animent joyeusement autour de ses nouvelles aventures romantiques. D'autres fois, Raphaëlle se transforme en un éclair : elle échange ses baskets contre des talons et revêt sa petite robe noire. Dans cette tenue, elle devient Sibylline, une escort girl qui rencontre des inconnus dans des hôtels pour gagner un peu d'argent.
Lorsque j'ai entendu parler de cet album, j'étais un peu hésitante. Pourtant, il est difficile de ne pas être captivé par les superbes illustrations de Sixtine Dano, qui signe ici un premier album impressionnant de maîtrise et de maturité. L'histoire s'inspire de récits intimes et authentiques recueillis auprès de sept jeunes hommes et femmes qui se sont confiés à l'autrice. Le récit est fascinant et évite à tout moment le voyeurisme ou l'érotisme, contournant habilement les clichés et les pièges potentiels. L'autrice aborde le parcours de Sibylline avec une finesse remarquable, sans céder à la facilité ou à la vulgarité. Tout est traité avec délicatesse, beauté et douceur. Raphaëlle, à chaque étape de sa vie, se révèle être un personnage profondément touchant.
Au-delà du scénario, les illustrations au fusain et à l'encre, d'une grande subtilité, créent une atmosphère cocooning. Une autre manière de voir ici cinquante nuances de gris ! Les teintes utilisées sont enveloppantes et apaisantes, jamais sombres ou morbides. Il est remarquable que ce sujet délicat soit traité avec tant de beauté, de pudeur et de distance, sans jugement aucun. En postface, l'autrice partage des conseils et mentionne plusieurs associations qui viennent en aide aux jeunes dans des situations similaires.
Ce livre ne cherche en aucun cas à inciter ou encourager. Il met en lumière la précarité des étudiant·es et les dérives que cela peut engendrer. Cet ouvrage, profondément bouleversant, nous touche au plus profond. On le lit d'une traite, oscillant entre fascination et répulsion, colère et admiration. Il est difficile de décrire les émotions qui nous traversent face à une telle expérience de vie.
Cette bande dessinée suscite déjà un grand intérêt et est au cœur des discussions depuis le festival d'Angoulême. Oui, je parle bien de la sensation du moment. Si ce livre est omniprésent aujourd'hui et si le nom de Sixtine Dano résonne de partout, c'est grâce à son travail exceptionnel et à sa sensibilité infinie, qui permettent d'aborder ce sujet essentiel avec sincérité et sans dégoût. J'ai été véritablement impressionnée et je suis ravie d'avoir surmonté mes appréhensions. Je souhaite que vous soyez nombreux·ses à découvrir cette bande dessinée.
Sixtine Dano nous fera l'honneur de venir dédicacer à la librairie pendant le festival d'animation !
Gaëlle Coustier
