Impossible de passer à côté de ses illustrations dans nos montagnes, avec ses dessins alliant humour et graphisme rétro-glamour, Charlie Adam a su imposé son style et sa bonne humeur partout où ses oeuvres sont exposées.
Son goût pour le dessin, c’est pendant l’enfance qu’il l’acquiert, à Chamonix. Issu d’une famille d’architectes, il a grandi entouré de tables à dessin à la maison. Mais lui, ce sont l’imaginaire des bandes dessinées qui le fascine. Il dévore Charlie Hebdo et Fluide Glacial à l’adolescence.
Doté d’un sérieux talent et à force de pratique, il trouve son style en s’inspirant de son environnement et d’une notion qui lui est chère : se faire plaisir !
Ses illustrations sont empreintes de nostalgie avec une touche d’humour, avec les Alpes et le ski en toile de fond. Comme il le dit lui-même : « J’aime faire voyager les gens dans le temps, vers des époques révolues, comme celle des vieux téléphériques ou des ‘‘ tire-fesses ’’ ».
Le résultat : des dessins créatifs, truffés de personnages haut en couleurs et de paysages à l’esthétique rétro qu’il commercialise aujourd’hui grâce à son studio de création Bungalow Graphics, basé à Annecy.
Découvrez quelques unes des œuvres de Charlie Adam à l’Abbaye de Talloires (74) du jeudi 29 juillet au jeudi 30 septembre 2021.
Comment le dessin s’est-il imposé dans ta vie ?
Depuis mon enfance j’ai toujours adoré la B.D, les dessins-animés, les histoires illustrées dans les magazines, mais aussi les dessins de publicités, les décors de films, les séries de science-fiction ou d’aventure, tout ce qui fait appel à l’imaginaire et vous emmène dans un univers différent m’a toujours intéressé. Raconter des histoires par l’image, la fantaisie, surprendre… Quand j’étais gamin je me voyais publiciste ou cinéaste, je gribouillais beaucoup, commençais des sortes de story boards que je ne finissais jamais, j’adorais les BD humoristiques (Gotlib, Lucky Luke, Margerin…) mais ne pensais pas savoir assez bien dessiner pour en vivre un jour… J’inventais des logos de marques inexistantes, je peinturlurais mes fringues, mes cartables, j’écrivais des slogans loufoques sur les murs au bahut, etc. Bref, je n’avais pas un gros niveau, mais beaucoup de choses à dire !
Issu d’une famille d’architectes, pourquoi ne pas avoir suivi cette voie ?
C’était trop technique, trop sérieux et je n’étais pas attiré du tout par le bâtiment. Aller à 7 h du mat’ suivre un chantier, ça ne me disait rien ! Beaucoup de contraintes pour peu de liberté d’expression. J’admire les architectes, qui, comme les cinéastes, arrivent à rassembler une foule d’intervenants sur un projet, malgré tout un tas de contraintes, pour qu’au final en ressorte quelque chose d’original ou poétique. Ça demande une grande détermination ! Je crois que j’aime pouvoir imaginer mon truc, seul dans mon coin, inventer mon univers, sans dépendre des autres. Je n’aurais pas eu la patience d’être architecte, je suis toujours pressé de sortir mon idée au plus vite quand j’en ai une…
Quelles sont tes influences ?
Tout ce qui stimule l’oeil, les pochettes de disques, les couvertures de magazine vintage, les posters publicitaires, les T-shirts, les affiches de cirque, les clips, les graffiti … J’ai une culture populaire peu académique, qui aime tout ce qui sort des sentiers battus et s’en désintéresse dès que ça devient trop officiel. Ado, j’ai été très marqué par des artistes comme Di Rosa, Combas, Keith Haring, Speedy Graphito, Reg Mombassa, qui m’ont appris que le « bien dessiner » n’a pas plus d’importance que se la jouer artiste intello aux théories incompréhensibles. C’était du rock ‘n’ roll visuel d’autodidactes, complètement débridé et sauvage, qui s’inspirait de BD, de « sous-culture » kitsch en parlant de monstres, d’extra-terrestres, de cultes religieux étranges, de Tiki, et de notre société de consommation absurde, mais sans se prendre la tête plus que ça avec des questions politiques ou théoriques sur l’art… Un peu comme le mouvement « Low Brow », qui abolit les frontières entre culture populaire et art contemporain… Les maîtres que je vénère s’appellent Josh Agle (Shag), et Serge Clerc (alias le dessinateur espion).
L’humour fait partie intégrante de tes illustrations. D’où vient ton inspiration ?
J’aime le kitsch, le burlesque, le loufoque, l’absurde, et j’ai beaucoup de mal avec tout ce qui se prend trop au sérieux. « L’histoire » que raconte une image n’est qu’un prétexte pour mettre en scène des couleurs, un style, des lignes, une ambiance, un graphisme, créer un rythme, une composition particulière, alors autant le faire dans la bonne humeur ! Si en plus d’être amusant, ce n’est pas trop vilain à regarder, alors allons y ! Je cherche toujours à laisser s’exprimer le gamin cabochard qui est en moi, et si je me marre en griffonnant une idée, j’ai juste super envie de voir si les gens vont en faire autant en la voyant.
Pourquoi être passé au numérique plutôt qu’à la peinture ou autre technique manuelle ?
Ayant grandi dans une petite vallée de montagne, plutôt orientée sports d’hiver que galeries d’art, je me suis rendu compte assez tôt que même si mes expos de peinture sur contreplaqué-crépi-découpé-à-la-scie-sauteuse amusaient un petit public de vacanciers, il ne serait pas évident d’en vivre, à moins de partir « à la ville », ou de trouver des moyens de reproductions pour les vendre à des prix abordables, et faire connaitre mon travail auprès d’un plus grand nombre. À cette époque, je proposais mes services en tant que graphiste indépendant et me suis mis à creuser l’illustration numérique pour les besoins de retouches et pour la rapidité des envois aux clients. Mais une fois que vous découvrez l’infinie palette de couleurs que vous avez à portée de souris, c’est magique ! (Ça ne va pas plus vite à dessiner, par contre ! ) J’y ai donc pris goût, tout en me jurant de ne pas abandonner mes pinceaux trop longtemps non plus.
Si tu pouvais décrire ton travail, que dirais-tu ?
Je fais des illustrations apolitiques à caractère humoristico-retro parfois décoratives (ou agence de voyages imaginaires dans l’espace et dans le temps).
Que cherches-tu à transmettre à travers tes créations ?
Quand je finissais mes études, j’étais persuadé qu’il fallait toujours qu’une oeuvre d’art véhicule un message engagé, une opinion forte, qu’elle dérange, qu’elle bouscule, qu’elle choque, puis j’ai commencé à trouver tout ça très prétentieux, finalement. Ce n’est pas parce que vous prenez un crayon que votre avis est forcément intéressant ou va changer le Monde ! J’ai mes opinions, mais finalement on peut aussi faire du bien à son entourage en le faisant simplement sourire, en l’invitant à plus d’autodérision au quotidien. Si j’avais un message à transmettre, mmmh, ce serait peut-être un truc bouddhiste du genre « La vie est trop courte pour se prendre au sérieux ou chercher la perfection. Aime la nature et ton prochain, apprécie les choses simples, ici et maintenant ! Ce sera déjà pas mal !