Bruno Sanches est à l’affiche du film «Le talent de mes amis» réalisé par son compère Alex Lutz. Une comédie sur une amitié tourmentée, un talent inexistant, des rêves inachevés... Dans La revue de presse de Catherine et Liliane sur Canal +, il campe le personnage de Liliane, la naïve brune. Interview.
Oseriez-vous avouer à un ami qu’il n’a pas de talent ?
Si je le voyais partir dans la mauvaise direction, oui. Cela m’est déjà arrivé, mais c’était pour son bien et je crois que mes paroles ont bougé quelque chose en lui. Du coup, en lisant le scénario, je me suis rendu compte que le film avait une certaine résonnance avec ma propre expérience.
Auriez-vous pu vivre dans l’anonymat ?
Oui, j’aurais appris un métier. Il y a beaucoup de choses que je trouve magnifiques : la forge, la menuiserie. Beaucoup de gens de ma famille sont dans le travail manuel, l’artisanat. Je crois que je me serais dirigé dans cette voie. Et puis, j’aime bien le mot artisan, je le préfère à artiste. L’artiste se regarde, l’artisan agit, il est besogneux, n’a pas le temps de se regarder. Donc, oui, je pourrais retomber dans l’anonymat, ce ne serait pas très grave.
Avez-vous eu un déclencheur dans votre vie, comme Alex dans Le talent de mes amis ?
Oui, ma mère. C’est elle qui m’a emmené faire des castings quand j’avais 9 ans. Mais, à cet âge-là, on ne se rend pas bien compte des choses. A l’époque, les gens disaient que j’étais photogénique, agréable, à l’aise. Du coup, on lui a parlé d’agences de pub, de photos… Il faut croire qu’elle avait vu en moi une flammèche, qu’elle s’est dit que ce serait bien de creuser cette aptitude.
Vous n’êtes pourtant pas du sérail…
Pas du tout. Mes parents sont des immigrés portugais, ma mère était femme de ménage, c’est quelqu’un de très débrouillard et de très intelligent. Elle s’est démenée pour moi et j’ai travaillé très jeune. Les mercredis et samedis, on passait beaucoup de temps sur les castings. Moi, ça ne me dérangeait pas. J’aimais bien aller à Paris, rencontrer des gens, voir des caméras, les plateaux de tournages… Ça m’amusait déjà de jouer et ensuite, il y a eu le théâtre.
Avez-vous déjà eu envie de tout lâcher ?
Oui, j’ai failli le faire. Dans la profession, il arrive qu’on ait de longues routes désertiques. Malgré mon petit parcours, j’ai connu ces moments-là. A une époque, je me suis demandé si je n’allais pas m’engager dans l‘armée, j’avais pris des brochures pour me renseigner. Pour moi, l’armée représentait la sécurité et l’esprit de groupe. Après, je ne sais pas si j’aurais supporté l’autorité… Heureusement que j’ai rencontré Alex qui m’a incité à ne pas poursuivre dans cette direction.
Qu’avez-vous pensé en rencontrant Alex Lutz pour la première fois ?
Je l’ai trouvé froid et un peu péteux. Avec des amis, on jouait une pièce de théâtre qui s’appelait André le magnifique. On avait tourné quatre mois dans la France avant de revenir sur Paris. On cherchait une salle pour jouer l’été et un nouveau metteur en scène. Un copain de la troupe connaissait Alex et nous l’a présenté. D’entrée, Alex a dit des vérités sur nous et sur la pièce, des choses concrètes qui ont peut-être un peu touché les ego. Ensuite, il a lancé une blague qui m’a fait hurler de rire et depuis, on ne s’est plus jamais lâché. Alex est multifacette. Mais ce qu’il dit est toujours juste et sans agressivité. Force est de constater qu’il a souvent raison.
Se cacher derrière Liliane est-il désinhibant ?
Oui, complètement. Se grimer nous aide à comprendre les femmes. Tous les jours, c’est une préparation longue et compliquée, une torture : le soutien-gorge, les talons, ne pas trop grossir pour pouvoir rentrer dans sa robe, une heure de maquillage... Notre société a forgé la vie des femmes de manière tellement difficile…. Je crois que chaque homme a une part de féminité en lui qu’il devrait faire sortir. Ne pas assumer certaines choses peut parfois créer des maux, des névroses… Ces personnages nous font du bien, dans notre métier comme dans nos vies. Je pense qu’Alex pense la même chose…
Qu’est-ce qui vous agace le plus chez Catherine ?
Sa sècheresse. Catherine est plus maline mais bien plus malheureuse que Liliane qui a une vie de famille, qui est heureuse et sexuellement épanouie. Liliane est plus naïve, plus aérienne. Catherine est tout le contraire. Elle vit une situation compliquée. Mais Catherine la touche beaucoup, c’est pour ça qu’elle l’aime.
Propos recueillis par Nathalie Truche