Bien plus que des images, les expositions du CAUE aident à comprendre les paysages qui nous entourent. Décryptage avec Arnaud Dutheil, directeur du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Haute-Savoie.
A quoi servent les CAUE ?
Les CAUE ont été créés par une loi visant à promouvoir la qualité du cadre de vie, la qualité architecturale, urbaine et paysagère. Cette promotion se fait auprès des décideurs, élus principalement, mais aussi auprès des scolaires, du grand public. Nous proposons des activités de conseils, d’études, des actions culturelles et pédagogiques.
Pour rebondir sur une exposition du CAUE, que fabriquons-nous aujourd’hui ?
L’intervention de l’homme façonne le paysage à différentes échelles : le particulier qui modifie sa façade, une route qui se crée, un agriculteur qui plante un champ de tournesols… Il est ainsi intéressant de se demander quel paysage émerge au 21e siècle. L’exposition aborde par exemple la question de l’énergie avec l’apparition des éoliennes, des équipements photovoltaïques sur les toits des maisons comme nous avons eu les barrages au 20e siècle. Plusieurs angles permettent de montrer comment l’évolution de la société transforme le territoire.
Les architectes du XXIe sont-ils de leur temps ?
Ce débat devrait agiter les architectes. Être de son temps c’est se demander comment on construit pour les besoins des gens aujourd’hui. Le 20e siècle ayant été très fonctionnaliste, on se rend compte que les mètres carrés étaient sous-utilisés. Face au manque de place, on cherche aujourd’hui à savoir comment l’utilisation des mètres carrés pourrait être optimisée. On parle beaucoup de partage de lieux, pour le travail ou les loisirs. Cet aspect s’étend jusqu’à l’habitat avec, par exemple, la mise en place croissante d’espaces communs dans les immeubles collectifs.
…Et de leur lieu ?
Etre de son temps c’est capter les attentes de la société, de son évolution et en tenir compte dans la conception. La question de la mobilité peut aussi se poser : demain, tout le monde possèdera-t-il deux voitures ? Pas sûr… Alors faut-il prévoir autant de garages ? Être de son lieu c’est aussi se dire : j’ai à ma disposition tous les matériaux du monde entier mais j’habite un endroit qui a son environnement propre, avec un climat, une configuration, des savoir-faire... Concrètement, est-ce que je fais parcourir 3000 km à des matériaux ou vais-je prendre ceux disponibles localement ? Le cas échéant, quels sont-ils et comment les utiliser pour obtenir la performance voulue ?
La construction d’équipements publics a-t-elle aussi changé ?
La priorité des collectivités est de répondre aux besoins de leur population, d’aujourd’hui et de demain. Les collectivités ont le souci d’être performantes et de montrer l’exemple. Quand un maire exige un effort d’un particulier ou d’une entreprise sur la qualité architecturale, il s’efforce de commencer par lui-même. Les collectivités se préoccupent de la qualité fonctionnelle et de l’image, de l’insertion dans le tissu urbain, des questions énergétiques et environnementales, des usages pour les personnes travaillant dans les locaux. Dans un département très dynamique comme la Haute-Savoie, les équipements doivent anticiper la croissance. A ce titre, ils sont souvent très largement dimensionnés au regard de l’augmentation inévitable de la population. L’anticipation permet de porter des projets innovants.
Qui peut assister aux cours d’architecture et de paysage du CAUE ?
Ces cours s’adressent à des non-architectes qui s’intéressent à la qualité architecturale : des élus, des techniciens, mais aussi le grand public. Cette initiation dispensée par des professeurs d’école d’architecture veut rendre accessible l’architecture – notamment contemporaine - qui est un monde souvent ignoré, pas toujours bien compris. Les cours permettent aux gens d’exercer leur regard, de comprendre telle forme, telle expression, de rentrer dans la démarche de l’architecte. On peut aimer l’architecture sans être architecte comme on peut aimer la cuisine sans être cuisinier !
Propos recueillis par Nathalie Truche